Marc 14,1 – 15,47

La mort de Jésus

Jacques Cazeaux

Marc, le lion du désert, p. 321s

 

          Le récit de la mort de Jésus est d’une puissance serrée, du fait qu’il assume le drame entier d’Israël : tout se tasse à l’extrême. Les moqueries du peuple et des autorités anéantissent tout Israël dans le reniement de soi, laissant Jésus seul dans la fidélité du Serviteur de Dieu. Jésus dit une seule parole : Eloï, Eloï, lama sabachthani, parole qui n’est pas de lui ; elle est des Ecritures prophétiques d’Israël, et donc de son « moi » le plus profond. Eloï, Eloï, cette citation de David porte en Dieu la déférence du Serviteur qui est anéanti au sens plénier, ce qui ne peut que devenir son « moi » le plus pur : sa résurrection. Dieu étant Dieu, d’où le redoublement : Eloï, Eloï. Signe également de la résurrection, la fin des ténèbres qui ont couvert le monde de la sixième à la neuvième heure, et qui cèdent soudain la place à la lumière à la neuvième, au moment précis où Jésus commence le psaume.

          C’est bien que, dans l’énoncé de la déréliction, Lama sabachthani, la présence de Dieu antérieure et redoublée était relèvement sans repentir. Aussi bien, Jésus meurt avec force ce qui est l’effet de cette présence de Dieu. Et sa mort déchire la Tenture du Sanctuaire signe de la ruine radicale du mauvais Israël, mais une ruine dont la phrase du Centurion merveilleux va déclarer la résurrection, du côté des Nations. Non pas que la vérité soit passée chez les Nations qui remplaceraient Israël, puisque ce Centurion est plus proche d’Israël que ces Judéens. Eux, ils raillent l’appel présumé à Elie, et déjà en jouant vilainement sur le nom de Dieu, leur blasphème leur fait courir un risque, puisque leur tradition veut qu’Elie, enlevé sur le char, revienne ouvrir de même la voie au Messie, et ils connaissent le pouvoir qu’avait ce supplicié de faire des miracles.

          Du côté de la lumière, en désignant Jésus comme Fils de Dieu, le centurion         adopte l’idiome des Ecritures. Le centurion prend la suite de ces personnages des Nations, de Jéricho ou de Babel, de Tamar, de Caleb, de Rahab, de Ruth, d’autres. Cette parole du centurion glorifie Dieu autant que le supplicié Jésus, puisque c’est Dieu que les Judéens viennent de mettre au défi, par Elie interposé. Epave dans la pleine lumière, puisque le soleil est revenu, Jésus est révélé véritablement Fils de Dieu. Tel est le Vin du Royaume, et il ne saurait boire ni vin, ni boisson aigre.