La descente aux enfers

Selon Origène

Dans La descente du Christ aux enfers, par Rémi Gounelle, p. 36s

 

          Quelques cent cinquante ans après la mort du Fils de Dieu, l’idée selon laquelle il s’est rendu aux enfers s’est à tel point développée et diffusée que le païen Celse a pu se moquer des chrétiens en ces termes : Vous n’irez pas prétendre à son sujet que, n’ayant pas persuadé ceux qui étaient ici-bas, il s’en est allé en enfer persuader ceux qui y étaient ? Cette idée, précisa-t-il par la suite, lui paraît aussi incroyable que les récits des descentes en enfer de Pythagore et d’autres.

            Origène répliqua, au milieu du III° siècle, sur tous les plans sur lesquels le conduisait Celse. A l’accusation d’invraisemblance, il répondit que Jésus est vraiment mort avant de se rendre en enfer, et donc que son voyage infernal ne peut être considéré comme une imposture. Il réaffirma, d’autre part, que le Christ a réussi à convaincre les hommes vivant ici-bas, et que sa mort devait dès lors être imputé au trop grand succès de sa mission, et non à l’échec de celle-ci comme le prétendait Celse. Enfin, il énonça comment il comprenait la descente du Fils de Dieu dans le monde infernal. Sa représentation, bien que brièvement formulée, impressionne par sa clarté et par sa précision : Une fois son âme dépouillée de son corps, il s’entretint avec les âmes dépouillées de leur corps, convertissant celles d’entre elles qui le voulaient, ou celles qu’il voyait, pour des raisons connues de lui, mieux disposées.

            En ces quelques lignes, Origène donne le sujet de la descente aux enfers, il s’agit de l’âme, le Christ se rendant, comme tout homme, dans le monde infernal. Il dit également ce que le Fils de Dieu y fit : il s’entretint avec les âmes qui s’y trouvaient, mais n’en convertit qu’une partie. Le théologien ne précise pas si les âmes qui ont reçu le salut sont sorties immédiatement ou non des enfers.

            Si la réponse d’Origène est exceptionnelle par l’ensemble des précisions qu’elle donne simultanément, elle est cependant un bon représentant du développement que le motif de la descente du Fils de Dieu aux enfers a subi depuis les temps apostoliques. Au III° siècle, les chrétiens semblent en effet avoir partagé la croyance selon laquelle le Christ s’est rendu dans les contrées infernales pour en délivrer des morts, et ne pas avoir contesté la légitimité de cette croyance. Il convient toutefois de remarquer que les sources antérieures au début du IV° siècle qui ne font pas état de ce motif, sont nombreuses, notamment en Italie, en Grèce, en Palestine, et que tout aussi fréquents sont les textes qui mentionnent la venue du fils de Dieu dans le monde infernal sans s’y attarder. Il faut donc considérer la descente du Christ en enfer comme l’un des multiples éléments d’un fond de croyance indiscuté, et non comme un aspect central de la foi chrétienne de cette époque.