Nombres 22, 1-8a+20-35

Dieu, Balaam, Balach et l’ânesse

Origène

Homélie 14, 1,2 + 2,1 sur les Nombres, SC 442, p. 161s

 

          Comment se fait-il que l’Ecriture dise que Dieu est venu une première fois à Balaam de nuit et qu’il lui avait demandé qui étaient les hommes venus chez lui. Balaam avait répondu que c’était Balach, fils de Séphor, qui les avait envoyés avec ces paroles : Viens me maudire ce peuple, c’est-à-dire Israël. Or Dieu lui avait répondu : Tu n’iras pas avec eux et tu ne maudiras pas ce peuple, car il est béni. L’Ecriture dit que Dieu vint encore une seconde fois à Balaam de nuit et lui permit d’aller avec ses hommes, mais à condition de ne dire que les paroles qu’il mettrait dans sa bouche. Une troisième fois, alors que Balaam était en chemin, l’ange de Dieu se dressa face à lui : ce voyage paraissait à l’ange si peu correct et si peu convenable qu’il avait l’intention de tuer Balaam, ce qui aurait eu lieu si l’ânesse qui voyait l’ange, alors que Balaam ne le voyait pas, n’avait fait un écart. Et cependant, une fois que l’ange lui eut reproché d’avoir voulu partir pour ce voyage, Balaam reçoit, à l’inverse, la permission de partir. Mais seulement à condition de respecter la parole que Dieu aura mise dans sa bouche et de ne proférer que celle-là et rien d’autre.

          Si Balaam en avait été digne, Dieu n’aurait pas mis sa parole dans sa bouche, mais dans son cœur. Mais comme dans son cœur régnait le désir du gain et la passion de l’argent, la parole de Dieu n’est pas mise dans son cœur, mais dans sa bouche. Un admirable et magnifique dessein s’accomplit ici : puisque les prophéties renfermées dans l’enceinte d’Israël ne pouvaient parvenir aux nations, Dieu se sert de Balaam qui avait la confiance de toutes les nations, pour leur faire connaître à elles aussi les mystères sacrés du Christ et leur apporter un grand trésor, moins par le canal du cœur et de l’esprit que par celui de la bouche et du discours.

          Monté sur son ânesse, Balaam cheminait ; un ange lui barre la route, sans aucun doute celui qui veillait sur les fils d’Israël. Il ouvre la bouche de l’ânesse pour que ce soit elle qui dénonce Balaam et que la voix d’une bête muette confonde celui qui passait pour un devin et un sage.