Luc 24, 35-48

« La paix soit avec vous »

Saint Pierre Chrysosologue

Sermon 81, dans Le Mystère de Pâques, Ichtus 10, p. 272s

 

          De retour des enfers, le Christ, pour rendre la paix au monde, s’écrie : La paix soit avec vous. Les disciples parlaient encore quand Jésus se tint au milieu d’eux et leur dit : La paix soit avec vous. Il dit bien : Avec vous. Car la terre s’était déjà raffermie, le jour était revenu, le soleil avait repris son éclat et le monde retrouvé son ordre et sa cohésion. Mais chez les disciples la guerre sévissait encore, la foi et le doute se donnaient en eux des assauts furieux. Le trouble de la passion n’avait pas ébranlé leur cœur comme il avait remué la terre. Les charges de la foi et du doute ravageaient leurs esprits dans une guerre sans merci. Des hordes de pensée les harcelaient ; sous les coups du désespoir et de l’espoir, leur cœur se brisait, en dépit de sa robustesse. Encore les innombrables miracles qui révèlent le Christ et les diverses humiliations de sa mort, entre les insignes de sa divinité et les défaillances de la chair, entre l’horreur de sa mort et les grâces de sa vie, les disciples étaient partagés et toutes leurs pensées arrêtées. Tantôt leurs esprits se soulevaient jusqu’au ciel, tantôt leurs âmes retombaient à terre, et ces cœurs où la tempête faisait rage, ne pouvaient trouver nul port calme, nul havre de paix.

          A ce spectacle, le Christ qui sonde les cœurs, qui commande aux vents, gouverne les tempêtes et d’un simple signe change l’orage en un ciel serein, les raffermit aussitôt de sa paix, en disant : La paix soit avec vous ! C’est moi, ne craignez rien. C’est moi le crucifié, le mort, l’enseveli. C’est moi. Pour moi Dieu, pour vous homme. C’est moi. C’est moi, vivant entre les morts, céleste au cœur des enfers. C’est moi que la mort a fui, que les enfers ont redouté. L’enfer m’a proclamé Dieu, dans son effroi. N’aie crainte, Pierre, toi qui m’as renié ; ni toi Jean qui a pris la fuite ; ni vous tous qui m’avez abandonné, qui n’avait songé qu’à me trahir, qui ne croyez pas encore en moi, lors même que vous me voyez. N’ayez crainte de moi. C’est moi : je vous ai appelés par la grâce, je vous ai choisis par le pardon, je vous ai soutenus de ma compassion, je vous ai portés en mon amour, et je vous prends aujourd’hui par ma seule bonté. Car le Père n’a plus d’yeux pour le mal, lorsqu’il accueille son Fils, lorsqu’en sa tendresse il étreint les siens.