Actes 9, 1-22

la conversion

Saint Augustin

Lettre 185 à Boniface, OC 5, p. 561

 

          Mon âme a soif du Dieu vivant, quand irai-je et apparaîtrai-je devant la face du Seigneur ? Le seul bien que désire l’homme qui prie avec ces versets de psaume est d’être uni à Dieu ; la privation de ce bonheur suprême, le seul retard d’en jouir est le plus grand supplice qu’il redoute. Et pourtant beaucoup avant de devenir de bons fils et de dire : Nous désirons être délivrés des liens du corps et nous unir avec Jésus-Christ (Philippiens 1,23), beaucoup de mauvais serviteurs, tel Saul, le futur Paul, ont besoin d’être appelé par le Seigneur.

          Qui peut nous aimer plus que Jésus-Christ qui a donné sa vie pour ses brebis ? Cependant quoiqu’il eût par sa parole seule appelé à lui Pierre et les autres disciples, quand il voulut gagner Paul, auparavant Saul, pour faire un grand propagateur de son Eglise de celui qui en était auparavant un des plus terribles persécuteurs, il n’eut pas seulement recours à la voix, mais il le renversa avec violence ; et pour forcer cet ennemi farouche, plongé dans la cruauté et les ténèbres de l’infidélité, à désirer la lumière du cœur, il le frappa de cécité. Si ce n’eut pas été un châtiment réel, Saul n’aurait pas été guéri plus tard, et si ses yeux, qui tout ouverts ne voyaient plus rien, avaient été sains, il n’aurait pas fallu, comme le dit l’Ecriture, qu’Ananias, par l’imposition de ses mains, fit tomber des yeux de cet aveugle les écailles qui les couvraient. Dieu propose parfois de façon forte, comme pour Saul, mais la réponse est donnée librement, volontairement. Saul a accepté de rencontrer Ananie, sa cécité a disparue. Du coup, Saul a reçu un enseignement qui l’a consolé pleinement. N’est-ce pas une chose merveilleuse que celui qui a été ainsi retourné, converti à l’Evangile, plus fortement que ceux qui avaient été appelés par la seule parole du Sauveur, tels les apôtres qui suivirent Jésus durant sa vie terrestre ? Sa charité a été d’autant plus parfaite, d’autant plus capable de chasser toute crainte, que la crainte qui l’a poussé à la charité, à l’amour du prochain, a été d’autant plus grande et plus forte.