Actes 11,19-30

le nom de chrétiens

Père Piere Bockel

Antioche, Bible et Terre Sainte, n° 128, Février 1971, p. 5s

 

          D’après le livre des Actes des Apôtres (11,26), c’est précisément à Antioche, vers l’an 44 après Jésus-Christ, que les disciples de Jésus reçurent le nom de chrétiens (christianoi, en grec). Ce ne sont pas les Juifs qui sont à l’origine de cette appellation, car ils nommaient les disciples Nazaréens (24,5) et ne pouvaient pas appliquer le nom de Christ à des gens avec lesquels ils étaient en désaccord sur la question du Messie, terme que le grec traduit par Christ. D’après l’interprétation la plus courante, ce sont les païens d’Antioche qui, entendant les disciples parler de Christos, l’ont compris comme un nom propre, celui du fondateur de la nouvelle secte (28,22). Il est d’ailleurs curieux de constater que, dans le livre des Actes des Apôtres, le second emploi du terme chrétien est placé dans la bouche du roi Agrippa au moment de son entrevue avec Paul (26,28).

          Dans le Nouveau Testament, on ne retrouve que trois fois le nom de chrétien, mais il est frappant de le rencontrer chez les historiens latins. Tacite (Annales XV,44) utilise ce terme à propos de l’incendie de Rome sous Néron (64 après Jésus-Christ) : Pour anéantir la rumeur, celle d’un incendie allumé par l’empereur, Néron supposa des coupables et infligea des tourments raffinés à ceux que leur abomination faisaient détester et que la foule appelait Chrétiens. Ce nom leur vient de Christ qui, sous le principat de Tibère, le procurateur Ponce Pilate avait livré au supplice ». Ainsi, dans la Rome des années 60, le peuple appelle les disciples de Jésus chrétiens, et parce que l’on ne comprenait pas le sens du mot Christos, on l’a confondu avec celui de Chrestos qui signifie bon.

          Au témoignage de Tacite, on peut ajouter celui de Suétone (Vita Claudii, XXV) qui fait allusion à une décision prise par l’empereur Claude, vers 49 ou 50 : Comme les Juifs se soulevaient continuellement à l’instigation d’un certain Chrestos, il les chassa de Rome (voir les Actes 18,2) : abordant le règne de Néron, il donne cette précision : « On livra au supplice les chrétiens, sorte de gens adonnés à une superstition nouvelle et dangereuse (Vita Neroni XVI) ». Le terme de chrétiens était donc connu à Rome et largement répandu entre les années 50-60.