Jean 15, 9-17

« Voici mon commandement : Aimez-vous les uns les autres »

Saint Augustin

Traité sur l’évangile de saint Jean, OC 10, p. 264s

 

          Lorsque le Seigneur Jésus dit : Voici mon commandement, comme s’il n’en existait point d’autres, devons-nous, frères, l’entendre dans ce sens qu’il ne nous a point donné d’autre commandement que celui de nous aimer les uns les autres ? N’y a-t-il point un commandement plus grand, celui d’aimer Dieu, ou bien dirons-nous que Dieu ne nous a donné d’autre commandement que celui de l’amour, en nous affranchissant de tous les autres ? L’apôtre Paul nous recommande trois choses : La foi, l’espérance, la charité demeurent maintenant, elles sont trois, mais la plus grande des trois, c’est la charité. Et quand même on renfermerait les deux premiers préceptes dans la charité, c’est-à-dire dans l’amour, la charité d’après l’apôtre est la plus grande, mais elle n’est pas la seule. Qui pourrait suffire à recueillir, à énumérer tous les commandements qui ont rapport à la foi ? Considérons ce que dit le même apôtre : La charité est la plénitude de la loi (Romains 13,10). Or, là où est la charité, quelle chose peut nous manquer ? Mais si la charité n’existe pas, quelle compensation peut nous rester ? Le démon croit, mais sans aimer (Jacques 2,19), cependant l’amour suppose nécessairement la foi. Celui qui n’aime point peut espérer, bien qu’inutilement, son pardon, mais ne peut désespérer s’il aime véritablement. L’amour suppose nécessairement avec lui la foi et l’espérance, comme l’amour du prochain suppose nécessairement l’amour de Dieu. Comment en effet celui qui n’aime point Dieu peut-il aimer son prochain comme lui-même, puisqu’il ne s’aime point lui-même ? Attachons-nous au commandement du Seigneur qui nous fait un devoir de nous aimer, et, par là, nous accomplirons tous ses autres commandements, car nous avons dans ce commandement tout ce que renferment les autres. Or cette charité est bien distincte de l’amour que les hommes ont les uns pour les autres en tant qu’ils sont hommes, et Notre Seigneur a pris soin d’établir cette distinction en ajoutant : Comme je vous ai aimés, car dans quel dessein Jésus-Christ nous a-t-il aimés, si ce n’est pour nous faire régner avec lui dans les cieux ? Aimons-nous donc les uns les autres pour le même motif, afin que notre amour nous sépare de ceux dont l’amour réciproque n’a point pour fin l’amour de Dieu, et qui, par là même, ne s’aiment pas véritablement. Ceux au contraire qui s’aiment mutuellement pour tendre d’un commun accord à la possession de Dieu, s’aiment d’un amour véritable. Qu’ils aiment donc Dieu pour s’aimer véritablement les uns les autres afin que Dieu soit tout en tous.