Jean 15, 26 … 16,15

L’œuvre propre de l’Esprit

Rupert de Deutz

Les Œuvres de l’Esprit-Saint, tome I, p. 133s

 

          Lors donc que survint le Saint-Esprit, et que les apôtres virent apparaître des langues de feu, l’Esprit-Saint signifia excellemment par cette apparence la grâce qu’il leur distribuait. Et ce n’est pas seulement la langue de Dieu qu’il rendit intelligible aux hommes, mais comme l’indiquait également ce signe, il mit sur leurs lèvres les langues de toutes les nations. Il frayait ainsi d’innombrables voies à l’intelligence des paroles de Dieu qui leur était donnée, pour qu’elle se répandît dans toutes les nations, à travers les quatre parties de ce monde qui ignore Dieu. Il arriva donc ce que le Seigneur avait naguère promis : Celui qui croit en moi, des fleuves d’eaux vives jailliront de son sein. Cet Esprit qui, à l’extérieur, présentait l’apparence d’un feu brillant, était donc à l’intérieur une source d’eau jaillissant en vie éternelle. En toi est la source de vie, dans ta lumière nous verrons la lumière.

          Quand fut planté le paradis terrestre, une source jaillissait de la terre, arrosant toute la surface de la terre. Un fleuve y avait sa source, arrosait le paradis, en se divisant en quatre branches. Et voici que se plantait le paradis de la nouvelle créature, par les pousses et les racines d’un seul et unique arbre de vie, c’est-à-dire par la foi et les vertus d’un unique médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ, lequel sera comme un arbre planté au bord des eaux courantes, qui donnera son fruit en son temps. Voilà l’Homme qui fut le commencement de la nouvelle plantation, le germe saint, l’arbre de vie. Ses premières pousses furent les apôtres ; sa plantation, le paradis de ses racines, ses disciples qui croyaient en lui. Ils étaient encore peu nombreux. Quand cet Esprit fut donné, il remplit d’intelligence leur cœur, et fit naître dans leurs bouches tous les genres d’idiomes, c’est alors qu’en vérité une source jaillit de la terre paradisiaque, c’est alors qu’un fleuve prit sa source dans le paradis pour arroser toute la surface de la terre. De même que le fleuve jaillissant du paradis terrestre se divise en quatre bras, ainsi dans l’Eglise jaillit la science de Dieu qui se divise en quatre Evangiles lesquels sont pour nous les premiers fleuves de notre doctrine.