Jérémie 3,1-5.19 – 4,4

L’expérience religieuse du salut dans l’Ancien et le Nouveau Testament

Père Jacobus Vink

En vérité, notre Dieu est le salut pour Israël, Communion, 1967, 30, p. 63s

 

Il semble bien que les expériences religieuses du salut dans l’Ancien Testament ont en commun un certain caractère collectif et institutionnel. L’image divine activement présente dans chaque interprétation religieuse d’une délivrance succédant à une menace de destruction offre les mêmes traits que la collectivité concernée par les événements : Dieu est le Pasteur : par la force de sa parole et de sa promesse, il mène vers  une nouvelle existence encore cachée dans l’avenir. Dieu est le Guerrier : il anéantit les nations devant les pas d’Israël. Dieu est le roi : il garantit les bénédictions de la nature et tient en respect les forces du chaos, qui s’expriment dans la menace des peuples étrangers. Ce roi attend qu’on lui offre, en grand nombre, les animaux pris dans les troupeaux qu’on doit à sa largesse. Le sage, tenu en haute estime à cause de ses attaches avec la cour royale, trouve dans ses fonctions le moyen d’accéder à une certaine individualité, mais ici, également, il faut convenir que le cas le plus remarquable est justement celui du plus sceptique des sages : l’Ecclésiaste. Les récits de vocation des prophètes traduisent une expérience du divin à forte couleur individuelle.

Est-il exact de dire que le Nouveau Testament décrit l’expérience de Dieu en la rapprochant beaucoup plus étroitement de l’existence menacée de l’homme individuel ? Nous songeons ici à la Passion du Christ lui-même, du Serviteur souffrant, autant qu’à la souffrance évoquée dans la parabole du Bon Samaritain, qui porte sur les relations interpersonnelles des hommes.

Il nous semble que le Nouveau Testament critique l’Ancien partout où les institutions de ce dernier risquent de détourner l’attention des détresses de l’homme individuel. Jésus rend Dieu plus proche des hommes en ce sens que la nouvelle image divine qu’il présente dépasse toutes les limites encore pleinement admises dans l’Ancien : celles de la nationalité, celles d’une certaine hiérarchie morale établissant des classes entre les hommes, celles de l’âge et du sexe, celles du prestige de la fonction ou du savoir.

Cette description de la nouveauté du Nouveau Testament est-elle propre à tous les livres qui le composent ? Il se pourrait bien que Paul, ou Matthieu, gardent certaines structures de pensée caractéristiques de l’Ancien, même là où elles offrent des indices de tension avec la nouveauté instaurée par Jésus.

Malgré cette critique, l’Ancien Testament ne demeure pas moins la Bible de Jésus et la nôtre, car, dans ces collectivités et ces institutions, nous rencontrons des hommes que, dans les combats de leur foi, nous  pouvons reconnaître comme nos frères et à qui nous pouvons nous unir pour, ensemble, louer le Seigneur.