Actes des Apôtres 28, 1-14

Le souvenir des martyrs

Saint Jean Chrysostome

Homélie sur les saints Martyrs, OC IV, p. 389s 

 

Si je dis que les tortures ne causent point de douleurs, mes paroles ne sembleront pas dignes de foi. Il n’est pas difficile d’énoncer de ces belles sentences, mais les martyrs qui parlent par leurs actes ne trouvent pas de contradicteurs. Voyez-vous combien est puissante la voix des martyrs, même dans leur silence ? En vérité, ils sont bien grands les encouragements et les consolations que ces saints dispensent à tous les hommes. En effet, vous vous rendez à l’église des martyrs ; là, à la simple vue du tombeau des saints qui y sont inhumés, vous répandez des larmes abondantes et vous priez avec ferveur. Et cependant les martyrs sont là, étendus, sans voix, dans un profond silence. 

Qu’est-ce donc qui stimule la conscience, et qui fait jaillir comme d’une source des ruisseaux de larmes ? L’image des martyrs  et le souvenir de toutes leurs actions. A la pensée du crédit dont les martyrs jouissent auprès de Dieu, comparée au souvenir de nos propres péchés, nous voyons mieux notre pauvreté personnelle ; alors nous nous affligeons, nous gémissons, comprenant combien nous sommes éloignés de tous ces saints martyrs : voilà qui nous arrache bien des larmes.

La pensée des martyrs, la vue de leurs tombeaux, la liturgie le jour de leur fête, voilà pour nous comme des ports à l’abri de la tempête, des sources de courants spirituels, des trésors inaccessibles dont l’abondance est inépuisable. Comme des vaisseaux ballottés sur les flots courroucés trouvent, dans les ports qui les reçoivent, la sécurité, ainsi nos âmes, ballottées par les choses de ce monde, trouvent au souvenir des martyrs l’asile, la sécurité, la paix. Comme la fraîcheur des eaux vives délasse le corps accablé de chaleur et de fatigue, ainsi la commémoration des martyrs rafraîchit nos âmes embrasées par les passions mauvaises, dissipent les convoitises criminelles, le ver rongeur de l’envie, les ardeurs de la colère. Et si quelque autre sentiment semblable nous tourmente, il nous suffit de penser à eux pour que ce sentiment s’évanouisse.