Esdras 7, 6-28

Esdras, le chef spirituel

Adin Steinsaltz 

Hommes et femmes de la Bible, p. 217s

 

Les chroniques bibliques permettent d’identifier clairement, lors du retour de l’exil, trois vagues d’immigration et de reconstruction. La deuxième vague, bien que moins nombreuse que la première, fut, par sa qualité, bien plus importante. Conduite par Esdras le scribe, elle était composée d’idéalistes et d’intellectuels, conscients de leur tâche, mieux équipés et mieux soutenus par le gouvernement central perse. Esdras disposait, du moins en théorie, de droits extraordinaires, lui permettant d’agir presque librement au sein de l’administration impériale. 

Esdras, le scribe et le prêtre, arriva donc au pays, nantis de pouvoirs considérables en bonne et due forme que le roi lui avait attribués ; cependant, en dépit de ses soutiens politiques notoires, il se montra incapable de faire face aux difficultés pratiques qui l’attendaient. On sait bien, et l’histoire de la reine Esther le confirme, que toute lettre revêtue de la griffe du roi avait une portée considérable dans l’empire perse. Un tel document donnait à Esdras toute l’autorité nécessaire pour accomplir tout ce qu’il désirait, même pour restaurer le rituel dans le Temple de Jérusalem. Il disposait aussi d’une aide économique du gouvernement central et de larges pouvoirs pour punir quiconque s’opposerait à sa volonté. Il semble pourtant qu’Esdras ne pût, ni ne voulût recourir à l’autorité que lui octroyait la lettre royale et qu’il préférât réaliser ses objectifs en utilisant d’autres moyens. 

Esdras ne vint pas à Sion pour y devenir une autorité politique, mais pour bâtir une nation exemplaire sur la base d’un modèle bien défini. Il chercha à accomplir quelque chose d’extraordinaire et de tout à fait nouveau. Lui et ses compagnons aspiraient à aller bien au-delà de la simple résurrection de l’état. Arrivé en tant que prêtre et scribe, il se sentait investi de la responsabilité de restaurer la Loi en Israël ; aussi agit-il en tant que maître, guide et véritable chef politico-religieux. Cet élément idéologique se retrouve à travers tous ses actes. Son souhait était d’amener le peuple à une profonde transformation idéologique et religieuse : les ordonnances qu’il institua avaient pour objectif d’introduire une certaine force et un certain caractère spirituels dans le cadre social et politique de la nation. On a pu dire à son propos : Si la Torah n’avait pas été donnée par Moïse, elle aurait pu l’être par Esdras. Avec lui, le peuple accepta une nouvelle fois la Torah ; un tel engagement fut peut-être moins spectaculaire que celui des enfants d’Israël sur le mont Sinaï avec Moïse, mais il n’en fut certes pas moins profond.