Sur Exode 22,20 – 23,9
L’humanité du chrétien
Saint Basile
Contre les usuriers, n° 1-5

La Loi interdit explicitement le prêt à intérêt : Tu ne prêteras pas à intérêt à ton frère, ni à ton prochain. Et le psalmiste, pour caractériser la perfection que peut atteindre un homme, retient cette même attitude : Il prête son argent sans intérêt. La conduite opposée n’est-elle pas, en effet, le comble de l’inhumanité ? Voici un homme qui manque du nécessaire et cherche à emprunter pour subvenir à ses besoins ; son frère, au lieu de se contenter de récupérer la somme prêtée, imagine encore pour augmenter ses propres revenus, d’exploiter la détresse de l’indigent !
Eh quoi ! Tu cherches à soutirer au pauvre de l’argent et des ressources ? Mais s’il était en son pouvoir de t’enrichir, viendrait-il quêter à ta porte ? Il accourait vers un allié, il rencontre un ennemi ! Il recherchait un remède, il trouve le poison ! Tu devais pallier ses nécessités, tu multiplies au contraire son indigence en cherchant à tirer des fruits du désert ! Tu ressembles à un médecin qui visiterait ses malades, non pour leur rendre la santé, mais pour leur enlever le peu de force qui leur reste. Oui, tu uses de la détresse du malheureux comme d’une source de richesses. Les paysans souhaitent la pluie pour que se multiplient leurs semences ; toi, tu guettes l’indigence et la pénurie d’un autre pour que ton argent rapporte. Ne saisis-tu pas que, par ces profits tant espérés, tu augmentes ton capital de péchés bien davantage que tu n’accrois ta fortune ?
Si vous obéissez au Seigneur, serait-il besoin de tant de discours ? Quel est le conseil du Maître ? Prêtez à ceux dont vous n’espérez rien en retour. Quel est, me dites-vous, ce prêt que n’accompagne pas l’espoir d’un remboursement ?
Comprends la valeur du précepte du Seigneur, et tu seras émerveillé de l’humanité de celui qui l’a énoncé. Chaque fois que tu décides de donner à un pauvre au nom du Seigneur, tu fais à la fois un don et un prêt ; un don, puisque tu es sans espoir d’être remboursé ; un prêt, à cause de la munificence du Maître qui acquittera la dette du pauvre : pour la légère aumône qu’il reçoit de toi à travers l’indigent, il te rendra le centuple. Celui qui a pitié du pauvre, prête à Dieu, lit-on dans le livre des Proverbes (19,17). Ne veux-tu pas avoir comme caution de ta créance le Maître de l’univers ?