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vendredi de la 3° semaine de careme

Sur Exode 35,30 – 36,1 . 37,1-9
Le sanctuaire
David Banon
Le bruissement du texte, p. 85s

Le projet d’édification du sanctuaire et sa réalisation occupe la partie la plus importante des derniers chapitres du livre de l’Exode, ce qui ne va pas sans poser toute une série de problèmes, tels que la raison de ce commandement, les dons nécessaires à la construction de ce sanctuaire, sa conception architecturale, les matériaux utilisés, le mobilier, les habits de prêtrise, etc… et bien sûr la question est soulevée laquelle préoccupe et divise à la fois tous les commentateurs : à quel moment ce commandement a-t-il été signifié à Moïse ?
Il semble que le sanctuaire ne soit qu’une concession accordée par Dieu à la nature humaine qui ne saurait concevoir et accepter l’idée du Dieu invisible, L’homme se révèle souvent incapable de servir Dieu par le cœur et par la pensée sans tenter de lui donner une expression concrète, voire matérielle, et cela sans chercher à le localiser vraiment dans un espace, lui qui est le lieu du monde. Or le verset qui ordonne l’édification du sanctuaire est énigmatique : Ils me feront un sanctuaire et je résiderai parmi eux. On devrait plutôt attendre : Je résiderai en lui. Ce que n’ont pas manqué de souligner les commentateurs, comme si le sanctuaire était un signifiant sans signifié, qu’il ne refermait que le vide, étant donné que Dieu réside parmi les enfants d’Israël : Je résiderai au milieu des enfants d’Israël et je serai leur Dieu, et ils sauront que je suis leur Dieu, moi qui les ai fait sortir d’Egypte pour résider au milieu d’eux.
Mais puisqu’il faut un sanctuaire, celui-ci sera construit selon les indications précises de Dieu, car elles ne sont pas que des indications techniques : elles recèlent une conception de l’espace très singulière.
Le sanctuaire serait comme la version positive de la tour de Babel : la tour a été érigée pour combattre Dieu, le sanctuaire pour accueillir et recevoir Sa Parole. Dans le sanctuaire, on ne recourt à l’espace que pour y aménager la Parole, et surtout pour faire émerger les conditions du dialogue, pour l’accueillir, d’où l’absence de toit ! Dans la tour de Babel, tout était agencé de sorte que le dialogue soit évacué, n’ait pas lieu. Le sanctuaire n’est saint que s’il est l’instrument révélant et organisant la Parole. De plus, il doit être amovible, puisqu’il fallait le monter et le démonter à chaque déplacement. Sa technique architecturale est guidée par l’exigence dialogale Chaque partie s’emboîte, s’enserre et se sépare des autres. Chaque élément doit faire face et contenir l’autre. L’union présuppose une existence autonome qui devra au démontage repasser par la séparation avant de se livrer à nouveau à la ré-union.
Dans le sanctuaire, par le biais des techniques d’union et de séparation, d’assemblage et de symétrie, on a transposé, dans le domaine architectural, certaines règles du dialogue, faisant du sanctuaire une véritable tente de la rencontre ou d’assignation, assignation à la Loi, à la responsabilité.

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jeudi de la 3° semaine de careme

Sur Exode 34, 10-28
Par la Loi, Dieu éduquait son peuple
Saint Irénée
Contre les Hérésies, Cerf, 1985, Livre IV, 14,2 – 15,1, p. 447s

Au commencement, Dieu a modelé l’homme pour le combler de ses dons : il a fait choix des patriarches en vue de leur salut, il s’est formé un peuple pour apprendre aux ignorants à suivre Dieu, il instruisit les prophètes accoutumant l’homme dès cette terre à vivre en communion avec Dieu. Lui qui n’avait besoin de rien, il accordait sa communion à ceux qui avaient besoin de lui.
Pour ceux qui lui étaient agréables, il dessinait, tel un architecte, l’édifice du salut ; à ceux qui, en Egypte, ne voyaient pas, il servait lui-même de guide ; aux turbulents du désert, il proposait une Loi bien adaptée ; à ceux qui entrèrent en Terre promise, il accorda un héritage convenable ; enfin à ceux qui se convertirent en revenant vers le Père, il immola le veau gras et les revêtit de la plus belle robe. Ainsi de multiples manières, il disposait le genre humain en vue de la symphonie du salut.
Voilà pourquoi, dans l’Apocalypse, Jean déclare que sa voix était comme la voix de multiples eaux (1,15). Oui, elles sont vraiment multiples les eaux de l’Esprit de Dieu, parce que riche et multiple est le Père. Et, passant à travers toutes ces eaux, le Verbe venait en aide à ceux qui lui étaient soumis prescrivant à chaque créature la Loi qui lui convenait.
Ainsi donna-t-il au peuple les Lois qui réglaient la construction du tabernacle, édification du Temple, le choix des Lévites, les sacrifices et les oblations, les purifications et le service du culte. Il n’avait nul besoin de tout cela : depuis toujours, il abonde de tous ces biens, il a en lui-même toute odeur de suavité et toutes les fumées des parfums, bien avant que Moïse n’existât. Il éduquait ainsi un peuple toujours prêt à retourner aux idoles, le disposant à persévérer dans le service de Dieu, l’appelant par des pratiques secondaires aux principales, c’est-à-dire par des figures aux véritables, par le provisoire à l’éternité, par la chair à l’esprit, par le terrestre au céleste.
Ainsi la Loi était pour tout le peuple à la fois pédagogie et réalité des réalités à venir.

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mercredi de la 3° semaine de careme

Sur Exode 33, 7-23 . 34, 5b-9 . 29-34
De grâce, Seigneur, fais-moi contempler ta gloire

Saint Grégoire de Nysse
La Vie de Moïse, Sources Chrétiennes 1 bis, p. 257s

Comment l’homme, à qui tant de théophanies ont rendu Dieu clairement visible, selon l’Ecriture, lorsqu’elle parle de face à face, comme un ami parle à son ami, peut-il prier Dieu de se montrer à lui, comme si Dieu, qui ne cesse de se manifester, ne s’était pas encore laissé voir ? C’est que l’âme s’élève toujours davantage au-dessus d’elle-même, tendue par le désir des choses célestes vers ce qui est en avant : ainsi elle poursuit son vol toujours plus haut. Seule l’activité spirituelle a cette propriété de nourrir sa force en la mettant à l’œuvre, et de ne pas perdre, mais d’augmenter, sa vigueur en la dépensant.
Ainsi le grand Moïse : montant toujours plus haut, il n’arrête nullement son ascension, ni ne se fixe de limite à son mouvement vers les hauteurs ; ayant une fois mis le pied à l’échelle sur laquelle Dieu se tenait, il ne cesse de monter à l’échelon supérieur, continuant toujours de s’élever. S’étant haussé sur ces sommets, il rayonne de gloire, il est encore soulevé de désir, insatiable de monter plus haut : il a toujours soif de ce dont il s’est déjà gorgé à satiété. Et comme s’il n’en avait pas assez, il supplie Dieu de se manifester à lui, non dans la mesure où il peut participer à la divinité, mais tel que Dieu est en lui-même.
Voilà ce qu’éprouve une âme passionnée d’amour pour la Beauté essentielle, une âme que l’espérance ne cesse d’entraîner de la beauté qu’elle a vue à celle qui est au-delà, enflammée continuellement du désir de voir ce qui lui reste encore caché. Une telle demande si audacieuse dépasse les limites du désir : elle aspire à jouir de la Beauté, non à travers miroir ou reflets, mais face à face. La voix divine lui donne ce qui est demandé par le fait même qu’elle le refuse, offrant en peu de mots un abîme immense de pensées. En effet, la munificence de Dieu lui accorde l’accomplissement de son désir ; mais en même temps, elle ne lui en promet pas le repos ou la satiété. Dieu ne serait pas montré à son serviteur si cette vision avait dû faire cesser le désir du croyant : la véritable vision de Dieu consiste dans le fait que celui qui lève les yeux vers Lui ne cesse plus jamais de le désirer. Voir Dieu, c’est donc ne jamais trouver de satiété à son désir. Il faut plutôt, en regardant toujours, se laisser enflammer, par ce qu’il est déjà possible de voir, du désir de voir davantage.

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mardi de la 3° semaine de careme

Sur Exode 32,1-6 . 15-34
Le dévoiement : le péché

Ysabel de Andia
La voie et le voyageur, p. 141-142

Un événement déroute ou dévoie l’homme et brouille l’image et la ressemblance, c’est le moment où l’homme se détourne de Dieu par la désobéissance à sa volonté, se faisant le principe et la fin de lui-même, et, par cette orgueilleuse exaltation de soi, perdant le chemin vers Dieu et le chemin vers son propre cœur. Le péché ternit la ressemblance de l’homme, avec Dieu, et l’homme, coupé de sa source, entre dans la région de la dissemblance où il perd ses repères et ne se retrouve plus lui-même.
Ce qui distingue la faute du péché, c’est la référence à Dieu : Contre toi et toi seul j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. C’est face à Dieu que le péché prend son sens et sa gravité, car la grandeur du péché est due à la grandeur de l’offensé. Certes l’obscurcissement du sens du péché vient de l’effacement du sens de Dieu ; mais l’insensé ou l’impie n’efface pas son péché en niant l’existence de Dieu ou sa puissance. L’impie se loue des désirs de son âme, l’homme avide qui bénit méprise le Seigneur, l’impie arrogant ne cherche point : Pas de honte !, voilà toute sa pensée. Bien plus, la voix du péché se substitue à la parole de Dieu : C’est un oracle pour l’impie que le péché au fond de son cœur, point de criante de Dieu devant ses yeux.
L’homme n’est pas au-delà du bien et du mal, définissant par lui-même ce que sont le bien et le mal. La conscience du bien et du mal est inscrite dans son cœur, elle est universelle, même si ce qui est bien ou mal n’est pas le même pour tous. L’homme ne peut échapper à sa conscience, comme il ne peut échapper au regard de Dieu : Où m‘en aller pour être loin de ton souffle ? Où m’enfuir pour être loin de ta face ? Je gravis les cieux, te voici ! Je me couche aux enfers, te voilà !
Lorsque je commets un péché, je découvre que je suis pécheur : Vois, je suis pécheur dès le sein de ma mère. La mise à nu de mon être pécheur me renvoie à un péché originel implanté dès les origines, comme une racine dans mon humanité, un mal radical. C’est ici que la Bible jette la lumière de la révélation sur le mystère du mal, car il y a un mystère de l’impiété, selon saint Paul, comme il y a un mystère de la piété. Non seulement Dieu se révèle à l’homme, mais il révèle l’homme à lui-même en se révélant à lui. La Genèse fait le récit de la chute d’Adam après celui de sa création ; car l’homme est d’abord un être créé à l’image et à la ressemblance de Dieu avant de perdre sa ressemblance par le péché. Il est fils avant d’être pécheur, et sa filiation est plus profonde que son péché. C’est pourquoi, la conversion de l’homme à Dieu advient au moment où le fils prodigue se souvient du Père et veut retourner à la maison de Père, non comme fils, car il a conscience de sa faute, mais comme esclave : Père, j’ai péché contre le ciel est contre toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils.

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lundi de la 3° semaine de careme

Sur Exode 24, 1-18
Alliance et Engagement

Edmond Jacob
Assemblées du Seigneur 32, p. 37s

L’Alliance est un acte cultuel et religieux. Comme tout culte, cette célébration comporte des sacrifices. Les sacrifices avaient un double but : ils étaient une marque de respect et de soumission envers Dieu, et ils devaient créer une étroite communion entre ceux qui, ensemble, étaient appelés à le consommer. Les sacrifices étaient offerts par des jeunes gens des enfants d’Israël ; on peut penser que ces jeunes gens remplaçaient les premiers-nés qui devaient être offerts à Dieu, d’abord réellement, puis par substitution.
Le rite d’aspersion du sang, consécutif au sacrifice, forme le centre du récit. L’absorption du sang était plus fréquente que l’aspersion, mais dans l’une et l’autre forme, il s’agit de rite de communion par la participation au même sang. Le sang, dans le Bible, est le siège de la vie : là où il est répandu, il libère une force de vie qui remédie à une vie perdue, menacée ou coupable. Pardon, guérison, sanctification sont toujours liés au sang. En tant que rétablissement d’une situation compromise et création d’un lien nouveau, supérieur à l’ancien, le sang est indispensable à toute vraie alliance.
Le rite du sacrifice et de l’aspersion est encadré par la parole. Dans la forme actuelle du récit, la parole a un aspect primordial ; elle précède le rite et elle le conclut : Moïse rapporte au peuple les paroles de Dieu, et le peuple s’engage solennellement à y obéir, que cette parole soit proclamée oralement ou écrite dans un livre. Le mot livre employé ici désigne moins un livre au sens où nous l’entendons, qu’une inscription gravée et déposée dans un lieu sacré. Que ces paroles aient été brèves ou longues, qu’elles aient été réduites au Décalogue ou qu’elles aient comporté l’ensemble du livre de l’Alliance (les chapitres 20 à 23), elles avaient une teneur impérative, et exprimaient clairement la volonté de Dieu ; elles étaient assorties de promesses pour ceux qui s’y conformeraient et de menaces pour ceux qui les transgresseraient.
Les douze stèles ne désignaient pas, dans sa forme primitive du récit, les douze tribus, puisque l’Alliance sacrale des tribus n’est devenue une réalité effective qu’à partir de la conclusion du pacte de Sichem. Ces pierres servaient de témoins, elles étaient censées avoir entendu les engagements pris par les parties contractantes.
L’Alliance ainsi relatée ici comporte donc rites et paroles. Ce double aspect lui confère un caractère complet et dynamique. La parole, associée au rite, en donne l’interprétation qui convient à chaque nouvelle génération, et le rite, nous pourrions dire le drame ou le jeu, donne vie à la parole : voilà ce qui fait la spécificité de la liturgie de l’Ancien Testament. La liturgie devient alors un des meilleurs moyens donnés à Israël pour exprimer et réaliser sa vocation de peuple de prêtres et de nation sainte, au bénéfice de tous les peuples de la terre.

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3° dimanche de careme, 3° lecture

Sur Luc 13, 1-9
Le figuier stérile
Saint Ambroise de Milan
Traité sur l’évangile de saint Luc, SC 52, VII, 160s, p. 67s

Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Le figuier est dans la vigne : or, il y avait une vigne du Dieu des armées qu’Il a livrée au pillage des nations. Ainsi donc, Celui qui a fait ravager sa vigne est également Celui qui donne l’ordre d’abattre le figuier !
En général, les arbres portent leurs fleurs avant leurs fruits : les fleurs annoncent les fruits à venir. Seul le figuier produit des fruits en place des fleurs ; le Cantique des cantiques (2,13) nous le dit : le figuier pousse ses premiers fruits. Lorsque les arbres se couvrent de blancheur au début du printemps, seul le figuier ne sait pas se blanchir par ses fleurs.
Adam et Eve, nos premiers parents, lorsqu’ils se sont couverts des feuilles de cet arbre, ont été exilés du paradis, fuyant la présence de Dieu. Ceux qui ont cueilli sur le figuier les feuilles et non les fruits ont été exclus du Royaume de Dieu. Le second Adam est venu : lui, il cherchait les fruits, non les feuilles ; il était esprit vivifiant, et c’est par l’esprit que le fruit de la vertu s’obtient, que le Seigneur est adoré.
Le Seigneur est venu trois années de suite, les trois années de sa vie publique : Voilà trois ans que je viens chercher des fruits sur ce figuier, et je n’en trouve pas ! Abattez-le. Par trois fois, le Seigneur est venu à Abraham, puis à Moïse, enfin il est venu à Marie ; autrement dit, il est venu sous le signe de la circoncision, dans la Loi et dans son corps. Sa venue, nous la reconnaissons à ses bienfaits : tantôt il purifie, tantôt il sanctifie, tantôt il justifie ; la circoncision a purifié, la Loi a sanctifié, la grâce a justifié. Il est en toute cela, et tout cela ne fait qu’un. Car nul ne peut être purifié s’il ne craint le Seigneur, nul ne mérite de recevoir la Loi s’il n’est purifié de ses fautes, nul n’accède à la grâce s’il ne connaît la Loi.
Le bon jardinier intervient affectueusement pour que le figuier ne soit pas abattu : Laissez-le encore cette année, le temps que je sarcle autour de lui et que je lui mette du fumier. Ce qui a été dit du figuier, nous devons y prendre bien garde pour nous-mêmes, de crainte d’occuper le sol fécond de l’Eglise en étant dépourvu de mérites, nous qui devons porter des fruits intérieurs, des fruits de pudeur, des fruits d’union, des fruits de charité mutuelle et d’amour, pour n’être pas gâtés par l’air, ni abattus par la grêle, ni brulés par l’ardeur de la convoitise, ni détachés par l’humidité et la pluie.

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3° dimanche de careme, 2° lecture

Sur Exode 22,20 – 23,9
L’humanité du chrétien
Saint Basile
Contre les usuriers, n° 1-5

La Loi interdit explicitement le prêt à intérêt : Tu ne prêteras pas à intérêt à ton frère, ni à ton prochain. Et le psalmiste, pour caractériser la perfection que peut atteindre un homme, retient cette même attitude : Il prête son argent sans intérêt. La conduite opposée n’est-elle pas, en effet, le comble de l’inhumanité ? Voici un homme qui manque du nécessaire et cherche à emprunter pour subvenir à ses besoins ; son frère, au lieu de se contenter de récupérer la somme prêtée, imagine encore pour augmenter ses propres revenus, d’exploiter la détresse de l’indigent !
Eh quoi ! Tu cherches à soutirer au pauvre de l’argent et des ressources ? Mais s’il était en son pouvoir de t’enrichir, viendrait-il quêter à ta porte ? Il accourait vers un allié, il rencontre un ennemi ! Il recherchait un remède, il trouve le poison ! Tu devais pallier ses nécessités, tu multiplies au contraire son indigence en cherchant à tirer des fruits du désert ! Tu ressembles à un médecin qui visiterait ses malades, non pour leur rendre la santé, mais pour leur enlever le peu de force qui leur reste. Oui, tu uses de la détresse du malheureux comme d’une source de richesses. Les paysans souhaitent la pluie pour que se multiplient leurs semences ; toi, tu guettes l’indigence et la pénurie d’un autre pour que ton argent rapporte. Ne saisis-tu pas que, par ces profits tant espérés, tu augmentes ton capital de péchés bien davantage que tu n’accrois ta fortune ?
Si vous obéissez au Seigneur, serait-il besoin de tant de discours ? Quel est le conseil du Maître ? Prêtez à ceux dont vous n’espérez rien en retour. Quel est, me dites-vous, ce prêt que n’accompagne pas l’espoir d’un remboursement ?
Comprends la valeur du précepte du Seigneur, et tu seras émerveillé de l’humanité de celui qui l’a énoncé. Chaque fois que tu décides de donner à un pauvre au nom du Seigneur, tu fais à la fois un don et un prêt ; un don, puisque tu es sans espoir d’être remboursé ; un prêt, à cause de la munificence du Maître qui acquittera la dette du pauvre : pour la légère aumône qu’il reçoit de toi à travers l’indigent, il te rendra le centuple. Celui qui a pitié du pauvre, prête à Dieu, lit-on dans le livre des Proverbes (19,17). Ne veux-tu pas avoir comme caution de ta créance le Maître de l’univers ?

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samedi de la 2° semaine de careme

Sur Exode 20, 1-17
Le Décalogue
Saint Augustin
Sermon 9, n° 1-16

Ecoute Dieu qui te parle aujourd’hui, sinon crains d’être obligé de l’écouter lorsqu’il te parlera au jour du jugement. Si tu ne peux être assuré d’aucun jour, pas même aujourd’hui, accorde-toi avec ton adversaire, tant qu’il est avec toi sur le chemin, pouvons-nous lire dans l’évangile selon Matthieu. Quel est donc cet adversaire ? Ce n’est pas le diable, car l’Ecriture ne t’engagerait pas à t’accorder avec lui. Il existe un autre adversaire que l’homme lui-même a rendu son ennemi. Qui donc ? Cet adversaire, c’est la Parole de Dieu. Mais oui, la Parole de Dieu est ton adversaire ! Pourquoi mon adversaire ? Parce qu’elle te commande le contraire de ce que tu fais.
Elle te dit : Ton Dieu est un Dieu unique : tu l’adoreras lui seul. Et toi, tu répudies ce Dieu unique, le légitime époux de ton âme, et tu vas te prostituer à une foule de démons. Et, ce qui est plus grave, tu ne l’abandonnes pas, tu ne le répudies pas ouvertement comme font les apostats ; mais tout en demeurant dans la maison de ton époux, tu y introduis des adultères ! Tu es chrétien, tu n’abandonnes pas l’Eglise, mais tu te prostitues tout en demeurant lié à ton époux !
La Parole de Dieu te dit encore : Tu ne prononceras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu. Elle te recommande aussi d’observer le sabbat de toute ton âme dans l’espérance du repos futur que le Seigneur t’a promis. Celui qui fait tout ce qu’il peut en vue de ce repos à venir, si pénibles soient les travaux auxquels il s’adonne, celui-là, s’il croit vraiment en ce repos promis, possède déjà ce sabbat, sinon en réalité, du moins en espérance. Mais toi, tu prétends te reposer pour travailler, alors que tu devrais travailler pour parvenir au repos futur !
Le décalogue est constitué des dix préceptes de la Loi. Les premiers se rapportent à Dieu, nous venons de le voir, les autres à l’amour du prochain, à la manière de vivre au milieu des hommes. En fait, ces dix commandements se ramènent à deux : l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Et ces deux se ramènent à un seul que l’on peut lire dans le livre de Tobie (4,15) : Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas à autrui. Dans ce seul précepte sont contenus les dix commandements, et sont contenus aussi les deux. Accorde-toi avec la Parole de Dieu tant qu’elle est avec toi sur le chemin.

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vendredi de la 2° semaine de careme

Sur Exode 19,1 -19 . 20,18-21
Le Seigneur descendit sur la montagne dans le feu
Bruno de Ségni
Commentaire de l’Exode, chapitre 19

Le troisième mois après leur sortie d’Egypte, les fils d’Israël établirent leur camp dans le désert du Sinaï. Là, au Sinaï, ils reçurent la Loi ; là, ils entendirent Dieu parler dans la nuée et dans la ténèbre.
Moïse gravit la montagne ; Dieu lui dit : Va trouver le peuple, qu’ils lavent leurs vêtements, car, ce troisième jour, en présence de tout le peuple, le Seigneur descendra sur la montagne du Sinaï. Et ce troisième jour qui est aussi le troisième mois après l’immolation de l’agneau, le Seigneur descendit sur la montagne du Sinaï. Plus tard, bien plus tard, en ce jour aussi, l’Esprit-Saint descendit sur les disciples du Christ, les comblant de la plénitude de la science divine. C’est que le mont Sinaï est la figure du mont Sion : Vous ne vous êtes pas approchés d’une montagne palpable, ni d’un feu ardent, ni d’un ouragan, ni de la ténèbre, vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant.
Remarquez à quel point les deux Alliances se font écho l’une à l’autre, avec quelle harmonie la fête de la Pentecôte est célébrée par chacune d’elles. Sur la montagne de Sion, comme sur la montagne du Sinaï, le Seigneur est descendu, le même jour et de manière très semblable.
Ici et là, un bruit violent se fait entendre, un feu se fait voir. Mais au Sinaï, c’était une épaisse fumée, sur le mont Sion la splendeur d’une lumière très brillante : dans le premier cas, il s’agissait de l’ombre et de la figure, dans le second de la réalité véritable. Autrefois, on entendait le tonnerre, maintenant on discerne les voix des Apôtres. D’un côté l’éclat des éclairs, de l’autre des prodiges éclatent en tous lieux. Le son strident de la trompette au Sinaï annonçait la prédication des docteurs qui retentiraient dans le monde entier.
Alors tout le peuple trembla. Tremblement d’admiration et d’adoration ! Et tous sortirent du camp. De tout Jérusalem, le peuple se rassembla au pied de la montagne de Sion, Sion la figure de la sainte Eglise : là se trouvaient les Apôtres, là se trouvait la mère de Jésus.
La montagne tremblait violemment, le son de la trompette devenait de plus en plus strident ; de même la voix des Apôtres et leur prédication devinrent de plus en plus fortes, elles se firent entendre de plus en plus loin, jusqu’à ce que leur message s’étende à toute la terre et leurs voix jusqu’aux extrémités du monde.

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jeudi de la 2° semaine de careme

Sur Exode 18, 13-27
Moïse accepte le conseil d’un païen

Origène
Homélies sur l’Exode, Sources Chrétiennes 321, p. 343s

Ce n’est pas en vain que Jéthro est venu vers Moïse : il vient lui donner un conseil fort utile et louable, celui de choisir des hommes pour les instituer comme chefs du peuple, des hommes emplis de la crainte de Dieu, des hommes de valeur ayant l’arrogance en horreur. Tels doivent être les chefs du peuple, non seulement sans orgueil, mais le haïssant, eux-mêmes exempts de vices et les haïssant chez les autres ; je ne dis pas haïssant les hommes, mais les vices.
Tu les établiras comme chefs de milliers, chefs de centaines, chefs de cinquantaines et de dizaines ; ils jugeront le peuple à tout moment, mais pour les affaires graves, ils en réfèreront à toi.
Quand je vois Moïse, ce prophète rempli de Dieu, à qui Dieu parlait face à face, accepter un conseil de son beau-père Jéthro, un païen prêtre de Madian, une admiration extrême me jette dans la stupeur. L’Ecriture dit : Moïse écouta la voix de son beau-père, et fit tout ce qu’il lui avait dit. Il n’objecta point : Dieu s’entretient avec moi, ce que je dois faire m’est dicté par une parole céleste ; comment accepter le conseil d’un homme, d’un païen étranger au peuple de Dieu ? Moïse écoute son beau-père, fait tout ce qu’il lui dit, attentif non à celui qui parle, mais à ce qu’il dit.
Nous aussi, s’il nous arrive parfois de trouver une opinion exprimée avec sagesse par un païen, nous ne devons pas d’emblée, par le seul fait que c’est un païen qui s’exprime, mépriser ce qu’il dit. Ce n’est pas parce que nous sommes en possession de la Loi donnée par Dieu que, gonflés d’orgueil et de suffisance, mépriser les paroles exprimées par des sages ; comme dit l’Apôtre : Vérifiez la valeur de toute chose, et ce qui est bon, retenez-le ! Qui donc, aujourd’hui, parmi ceux qui dirigent les peuples, daigne accepter un conseil d’un prêtre inférieur, pour ne rien dire d’un laïc, à plus forte raison d’un païen ? Moïse, lui, qui était le plus doux de tous les hommes, accepta le conseil d’un inférieur, donnant ainsi aux chefs des peuples un modèle d’humilité.