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lundi de la 1ere semaine de careme

Sur Exode 6, 2-13
Moïse, figure du Christ
Eusèbe de Césarée
La démonstration évangélique, Livre III, chapitre 2

Moïse fut le premier chef du peuple juif. Ayant trouvé les fils d’Israël engagés dans les fausses doctrines du polythéisme égyptien, le premier il les en détourna, les amena à renoncer au culte des idoles. Le premier, il leur annonça la connaissance du Dieu unique en les invitant à adorer le seul Créateur et Auteur de l’univers. Le premier encore, il établit pour eux un chemin de vie sainte, se révélant ainsi comme le premier, l’unique législateur de leur communauté toute consacrée à Dieu.
Si Jésus Christ peut être approché de Moïse, il lui est de fait, incomparablement supérieur : c’est à toutes les nations qu’il a ouvert, lui, le premier la connaissance de la vraie religion ; le premier, il renversa l’idolâtrie à travers le monde entier ; le premier, il proposa à tous les hommes la science et l’adoration du Dieu unique, le Roi souverain ; le premier, il se montra l’initiateur et le législateur d’une vie nouvelle, d’une communauté fondée sur le service de Dieu.
Oui, Moïse, le premier, donna au peuple juif des enseignements sur l’origine du monde, l’immortalité de l’âme, et les autres principes de la sagesse. Mais Jésus Christ fut le premier à annoncer ces vérités à toutes les nations, grâce à ses disciples, et cela d’une manière vraiment divine. Moïse a confirmé par des miracles et des prodiges la religion qu’il avait annoncée. De même, le Christ s’est servi de signes merveilleux pour amener à la foi ceux qui les voyaient et pour rendre témoignage à la nouveauté de la prédication évangélique.
Par ailleurs, Moïse a fait passer le peuple juif de la dure servitude des Egyptiens à la liberté ; Jésus Christ, lui, a rappelé à la liberté tout le genre humain adonné au culte impie des idoles égyptiennes, sous la contrainte de démons pervers.
Mais est-il nécessaire de prolonger mon discours pour montrer que Moïse et Jésus, notre Sauveur et notre Seigneur, ont accompli des actions comparables ? Pour qui le désire, il serait bien facile d’en rassembler sans peine beaucoup d’autres. Si donc, sous tant d’aspects, seul notre Sauveur apparaît avoir accompli tant d’actions si proche de celles de Moïse, il ne nous reste plus qu’à le regarder, lui et lui seul.

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1er dimanche de careme, 3° lecture

Sur Luc 4, 1-13
Il fut tenté

Saint Ambroise
Traité sur l’évangile de Luc, Livre IV, Sources Chrétiennes 45, p. 152s

C’est à juste titre que notre Seigneur Jésus, par son jeûne et par sa solitude, nous aguerrit contre les attaques des voluptés, et que notre Seigneur souffre d’être tenté par le diable, pour qu’en lui nous apprenions tous à triompher.
Il y a lieu de se rappeler comment le premier Adam fut chassé du paradis au désert, pour remarquer comment le second Adam revint du désert au paradis. Adam est au désert, au désert aussi est le Christ. Du moment qu’au paradis Adam avait, faute de guide, perdu la route qu’il suivait, comment au désert eût-il pu sans guide regagner la route perdue ? Suivons donc le Christ, suivons ses traces et nous pourrons revenir du désert au paradis.
Jésus, rempli de l’Esprit Saint, est conduit au désert à dessein pour provoquer le diable et pour délivrer Adam de l’exil. Quarante jours, c’est le nombre d’années où nos Pères, vivant au désert, obtinrent le pain des anges pour entrer dans la terre promise ; c’est par autant de jours de jeûne du Seigneur que s’ouvre à nous l’entrée dans l’évangile.
Et le Seigneur eut faim ! Il avait faim, non de la nourriture du corps, mais du salut. La faim du Seigneur est une pieuse ruse : le diable, leurré par la vue de sa faim, allait le tenter comme un homme, et rien, pensait-il, n’empêcherait le triomphe ! Par les trois tentations, nous apprenons qu’il existe trois principaux javelots du diable dont il a coutume de s’armer pour blesser l’âme : l’un de la gourmandise, l’autre de la vanité, le troisième de l’ambition.
Voyez quelle sorte d’arme le Seigneur emploie pour défendre l’homme contre les assauts de l’esprit pervers. Il n’use pas de sa puissance en tant que Dieu, mais en tant qu’homme il a recours à la ressource commune : être occupé à se nourrir de la lecture divine, au point de négliger la faim du corps et d’acquérir l’aliment de la parole céleste.
Vient ensuite la flèche de la vanité, sur le faîte du Temple. Telle est en effet la vanité : quand on croit s’élever plus haut, le désir de faire des actions d’éclat précipite les abîmes. Le troisième piège est celui de l’ambition ; l’institution des pouvoirs est de Dieu, mais l’ambition du pouvoir vient du malin.
Adam fut alléché par la nourriture ; puis il pénétra avec une présomptueuse assurance au lieu où se trouvait l’arbre interdit, et encourut le reproche d’ambition téméraire en visant à être comme Dieu.
Nul ne peut être couronné s’il n’a vaincu, nul ne peut vaincre s’il n’a pas d’abord combattu. S’il vous arrive d’être tenté, sachez qu’une couronne se prépare.

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1er dimanche de careme, 2° lecture

Sur Exode 5,1-6,1
Que chacun se prépare à partir au désert
Saint Athanase
24° lettre festale pour la Pâque de l’an 352

Chacun des saints a dû fuir la voie large et spacieuse, pour demeurer seul, à part, et vivre dans la vertu ; tels furent Elie, Elisée et le groupe entier des prophètes. Tel encore Jacob qui fut grand par son ascèse : il ne mérita la révélation des réalités célestes que lorsqu’il se retrouva seul après être parti de chez son père et avoir fui, au milieu de bien des épreuves, son frère Esaü.
Vous voyez ce que procurent à l’homme le désert et l’abandon des tumultes de la vie : l’amitié de Dieu. Ainsi Abraham, quand il sortit du pays des Chaldéens, fut appelé ami de Dieu. Le grand Moïse, lui aussi, lors de son départ du pays d’Egypte, c’est-à-dire des œuvres terrestres, parla avec Dieu face à face, fut sauvé des mains de ses ennemis et traversa le désert. Tous ceux-là sont l’image de la sortie des ténèbres vers la lumière admirable, et de la montée vers la ville qui est au ciel. Ils sont le type du vrai bonheur, et de la fête éternelle.
Quant à nous, nous avons auprès de nous cette réalité que les ombres et les types annoncèrent, je veux dire l’image du Père, notre Seigneur Jésus le Christ ; si nous le recevons comme nourriture en tout temps, et si nous marquons de son sang les portes de nos âmes, nous serons libérés des travaux de pharaon et de ses inspecteurs. Il s’agit évidemment, non des travaux décrits dans le livre même, mais des travaux qu’ils préfiguraient.
Que chacun se prépare donc avec un ardent désir à se rendre à cette fête ; qu’il écoute le Sauveur l’appeler, car c’est lui qui nous console tous et chacun en particulier. Que celui qui a faim vienne à Lui : il est le vrai pain. Que celui qui a soif vienne à Lui : il est la source d’eau vive. Que celui qui est malade vienne à Lui : il est le Verbe qui guérit les malades. Si quelqu’un est accablé par les fardeaux du péché et s’en repend, qu’il se réfugie à ses pieds : il est le repos et le salut. Que le pécheur aie confiance : il a dit : Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau ; moi, je vous procurerai le repos.

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samedi après les cendres

Sur Exode 3,1-20
Le nom de Dieu

Saint Augustin
Sermons au peuple, première série, sermon VI, OC 15, p. 655s

Que figure l’apparition de Dieu dans un buisson sans que le buisson se consume ? Ce buisson épineux peut-il figurer quelque chose de bon ? Si le feu avait consumé les épines, ce serait un signe que la Parole de Dieu adressée aux Juifs a consumé leurs péchés, et que la Loi qui leur a été donnée mettrait un terme à leur iniquité. Car si le feu dans le buisson est le symbole de la Loi parmi les Juifs, les épines du buisson sont comme les péchés des Juifs ; si donc le feu ne consume pas les épines, c’est que la Loi n’a pu effacer les péchés.
Le Seigneur dit à Moïse : Je suis Celui qui suis. Moïse, ayant demandé quel était le nom de Dieu, il lui répondit : Je suis Celui qui suis ; voilà ce que tu diras aux enfants d’Israël : Celui qui est m’a envoyé vers vous. Qu’est-ce à dire ? Ô Dieu ! Ô Notre Seigneur, quel est ton nom ? Je m’appelle celui qui est, nous dit-il. Et que dois-je entendre par Celui qui est ? Que je demeure éternellement et que je ne puis changer. Car les choses qui changent ne sont point véritablement, parce qu’elles ne demeurent point ce qu’elles sont. Ce qui est demeure. Ce qui change a été une chose et en sera une autre, mais elle n’est point réellement parce qu’elle est muable. C’est donc l’immutabilité divine qui a daigné se révéler elle-même dans cette parole : Je suis Celui qui suis.
Mais pourquoi Dieu s’est donné ensuite un autre nom ? Voici en effet ce qu’ajoute l’écrivain sacré : Et Dieu dit à Moïse : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob, c’est mon nom pour l’éternité. Pourquoi ici ce nom : Je suis Celui qui suis, et là cet autre nom : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob ? De même que Dieu est immuable, il a aussi tout fait par miséricorde, et le Fils de Dieu en prenant une chair sujette à la mutabilité, tout en demeurant le Verbe de Dieu, a daigné venir au secours de l’homme. Celui qui est s’est donc revêtu d’une chair mortelle afin de pouvoir dire : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob.

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vendredi après les cendres

Sur Exode 2,1-22
Tous les justes ont eu à subir la persécution à l’image de Jésus lui-même
Saint Aphraate
Exposé 21 : De la persécution, n° 9…23

Comme Jacob fut persécuté par Esaü, comme Joseph le patriarche le fut par ses frères, Moïse à son tour fut persécuté, et Jésus, lui aussi, subit la persécution.
Dès sa naissance, on dut cacher Moïse pour empêcher les persécuteurs de le tuer ; de même, Jésus, dès sa naissance, dut fuir et être emporté en Egypte pour ne pas être mis à mort par Hérode. Au temps de la naissance de Moïse, les petits enfants étaient noyés dans le fleuve ; au temps de la naissance de Jésus, les petits enfants furent égorgés à Bethléem et dans ses environs. Dieu dit à Moïse : Ils sont morts ceux qui en voulaient à ta vie ; l’ange, en Egypte, prévint Joseph : Lève-toi, prends l’enfant, et reviens au pays d’Israël, car ils sont morts ceux qui voulaient enlever la vie de l’enfant. Moïse fut élevé dans la maison de pharaon ; Jésus aussi grandit en Egypte, où Joseph avait fui avec lui. Moïse immola l’agneau ; Jésus le véritable Agneau fut cloué sur une croix.
A la suite de Moïse, Josué, fils de Noun, David, Elie, Daniel, Mardochée et bien d’autres justes souffrirent, comme lui, la persécution. Que tous ceux qui souffrent aujourd’hui encore pour Jésus soient raffermis par ces exemples. Jésus lui-même nous a d’avance réconfortés, quand il a prédit : Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera vous aussi. Quand on vous traduira devant les tribunaux, ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit Saint de votre Père parlera en vous. Cet Esprit, c’est lui qui a parlé à Esaü par la bouche de Jacob qu’il persécutait ; c’est lui qui, en présence de pharaon, a mis des paroles de sagesse dans la bouche de Joseph si longtemps éprouvé ; lui encore qui a parlé par les lèvres de Moïse pour faire venir toutes sortes de fléaux sur la terre d’Egypte ; lui qui psalmodiait par la bouche de David dont les mélodies chassaient l’esprit mauvais de Saül, son persécuteur.
Supérieur à tous ceux-là, et à bien d’autres, se tient Jésus, le grand témoin, qui, par sa confession dans les tourments, dépassa tous les témoins venus avant lui ou après lui. Après lui, on trouve Etienne, le martyr fidèle, lapidé par les Juifs, Simon et Paul qui témoignèrent jusqu’à la mort, Jacques et Jean qui marchèrent sur les pas du Christ, et, après les Apôtres, beaucoup d’autres en Orient comme en Occident. Ainsi, selon la parole de l’Apôtre, nous sommes enveloppés d’une nuée immense de témoins.

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fete de Notre-Dame de Lourdes, 3° lecture

Sur Jean 2,1-11
Invités aux noces
Aelred de Rievaulx
Sermons pour l’année 4, Pain de Cîteaux 23, p. 43s

Par les innombrables témoignages des Ecritures, par les paroles prononcées, l’âme de l’élue a pu être facilement enflammée d’amour pour le Seigneur. L’amour a stimulé le désir, le désir a obtenu la rencontre spirituelle ; et ainsi, moyennant la foi, s’est fait le consentement. Et voici qu’est préparé le festin nuptial. Où cela ? Et par qui ? Ecoute l’évangéliste : Il y eut des noces à Cana de Galilée.
Par qui furent-elles préparées ? Je pense que saint Moïse en fut l’organisateur. C’est lui qui servit la manne tombée du ciel, l’eau jaillie du rocher, la chair des cailles venue des airs.
Il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus y était. Assurément, la mère de Jésus selon la chair, c’est la Synagogue en qui sont faits tous les préparatifs de la noce. La mère de Jésus y était pour indiquer que tous ces rites de l’ancienne Alliance se rapportent à la Synagogue, de même que les réalités spirituelles préfigurées en eux ont leur accomplissement dans les sacrements de l’Eglise. La mère de Jésus, c’est la miséricorde : elle seule a fait descendre une si haute majesté, a rendu déraisonnable une telle sagesse, a appauvri une si grande richesse. C’est elle assurément qui faisait voir dans ces rites matériels la préfiguration des choses à venir. C’est par elle que les réalités spirituelles prenaient la place des préfigurations matérielles. Ainsi donc, ces préparatifs qui eurent lieu dans l’ancienne Alliance, ainsi que notre rédemption réalisée avec tant de sollicitude, pour ainsi dire, par la Trinité elle-même, tout cela est le fait de sa miséricorde et non de notre justice.
Jésus aussi fut invité aux noces. Lequel parmi les saints de l’ancienne Alliance à qui ces noces ont été révélées n’a pas aimé Jésus, ne l’a pas désiré, ne l’a pas invité ? Le Seigneur le dit dans l’Evangile : Beaucoup de prophètes et de justes ont voulu voir ce que vous voyez. Saint Moïse a désiré son avènement et il l’a demandé quand il répondit au Seigneur qui lui enjoignait de descendre en Egypte : Seigneur, envoie Celui que tu dois envoyer. De même saint David, aspirant lui aussi à la venue de Jésus, l’invita à ces noces avec un très grand empressement lorsqu’il dit : Montre-nous ton visage, Seigneur, et nous serons sauvés. Isaïe lui aussi l’appela de tout son désir : Ah ! Seigneur, si tu déchirais les cieux et si tu descendais !
Jésus fut invité aux noces, mais il n’était pas seul, ses disciples également furent invités. Ils sont de ceux dont il a dit : Me voici, moi et les enfants que le Seigneur m’a donnés. Ce sont là les disciples du Christ, les compagnons de l’époux et les compagnons des noces dont les prophètes ont désiré l’élection, la vocation, la justification, car ils savaient que leur voix retentirait par toute la terre et leur parole jusqu’au bout du monde.

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fete de Notre-Dame de Lourdes, 2° lecture

Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi
Mgr Jacques Perrier
L’Evangile de Lourdes, p. 50s

Les sources sont fréquentes à proximité des sanctuaires mariaux. Mais la source de Lourdes a un caractère particulièrement biblique et évangélique.
Dans l’Ecriture, les eaux apparaissent dès le premier chapitre de la Genèse. L’eau est plus primitive encore que la terre. Quand l’Eglise bénit l’eau dans la Vigile pascale, elle rappelle le Déluge qui noie le monde pécheur, la Mer Rouge qui sauve le peuple d’Israël, le Jourdain où le Christ a été baptisé. Mais l’eau ne se trouve pas seulement dans les fleuves et les mers, elle coule aussi dans les sources qui permettent aux hommes et aux bêtes de boire, et donc de vivre.
L’exemple le plus typique dans l’Ancien Testament est la source qui jaillit du rocher pour abreuver le peuple d’Israël dans sa marche à travers le désert. Sur l’ordre de Dieu, Moïse frappe le rocher, et l’eau s’écoule en abondance. L’événement s’inscrit dans la mémoire d’Israël. Il faut s’en souvenir pour lire l’évangile selon saint Jean.
A la femme de Samarie, au bord du puits, Jésus promet l’eau vive, l’eau « qui jaillit en vie éternelle ». Un jour de fête, à Jérusalem, Jésus proclame : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive celui qui croit en moi. Selon le mot de l’Ecriture, de son sein couleront des fleuves d’eau vive. Il parlait de l’Esprit » qui n’était pas encore répandu « parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié ».
La glorification de Jésus, chez saint Jean, c’est son exaltation sur la croix. Saint Jean est le seul évangéliste à rapporter une scène, par ailleurs très vraisemblable, de la Passion : le coup de lance qui transperce le côté de Jésus, « d’où il sortit aussitôt du sang et de l’eau. Or il se trouve que, le vendredi 26 février 1858, lendemain du jour où la Vierge Marie avait demandé à Bernadette « d’aller boire à la fontaine, et de s’y laver, était célébré, dans le diocèse de Tarbes, la fête de la Sainte Lance. Ce vendredi, la Dame n’apparaîtra pas, mais l’eau déjà coulera et deviendra, de jour en jour pour un plus grand nombre, un signe de renouveau spirituel et de guérison.
A Lourdes, le rocher et la source sont indissociables, comme le Christ et l’Esprit Saint. L’eau sort d’abord toute boueuse : c’est sur la croix, dans le moment suprême de son sacrifice, que le Fils transmet l’Esprit, tout en rendant son dernier soupir. Jean aime ces expressions à double sens, mais à forte portée symbolique.
Spontanément, Bernadette s’est dirigée vers le Gave. Comme elle, spontanément, nous nous tournons vers ce qui fait le plus de bruit. Mais la Dame, patiemment, l’a orientée vers le fond de la Grotte : c’est dans la mort et la résurrection du Christ que nous trouverons l’eau vive de l’Esprit. Marie est à sa place : elle désigne, elle encourage, elle ne prétend surtout pas être la source.

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mercredi des cendres, 3°lecture

Sur Matthieu 6,1-6 . 16-18
La prière et ses deux ailes : l’aumône et le jeûne

Saint Augustin
Sermons 206 au peuple, 2ème sermon pour le Carême, OC 18, p. 106s

Voici le retour annuel du temps de Carême : je me sens obligé de vous adresser quelques exhortations : offrez au Seigneur des œuvres appropriées à ce temps de préparation aux fêtes de Pâques. Non que ces œuvres soient utiles au Seigneur ! Non, c’est vous qui en profitez et en recueillerez les fruits. Pendant toute l’année, un chrétien doit s’appliquer à la prière, au jeûne, à l’aumône. Mais la solennité de ce temps de Carême devrait exciter l’ardeur de ceux qui, en temps ordinaire, négligent de le faire et inspirer une ferveur nouvelle à ceux qui s’y adonnent fidèlement et avec zèle. Toute notre vie, ici-bas, est le temps de l’humilité, dont nous voyons le signe au cours de ces jours où le Christ notre Seigneur qui a souffert et est mort pour nous, une fois pour toutes, semble renouveler chaque année les souffrances de sa passion. Si nous mourons avec le Christ, dit l’apôtre, nous vivrons avec lui ; si nous souffrons avec lui, nous règnerons aussi avec lui.
Nous célébrons avec ferveur les deux conditions de l’existence humaine : la première quand arrive la commémoration de la passion ; la seconde nous la fêtons aux jours de Pâques. Après les jours de son abaissement, sans voir encore le temps où nous vivrons en haut, près de Dieu, nous aimons le méditer par avance et le représenter dans des signes. Persévérons dans les supplications et nous pourrons alors nous réjouir dans les chants de joie et de louange.
Pour que nos prières prennent plus facilement leur essor et parvenir jusqu’à Dieu, il faut leur donner les deux ailes de l’aumône et du jeûne. Or un chrétien comprend combien il doit être éloigné de prendre le bien d’autrui, quand il voit clairement que c’est une espèce de larcin de ne pas donner son superflu à l’indigent. Notre Seigneur nous a dit : Donnez et on vous donnera. Pratiquons avec charité, avec ferveur, ces deux sortes d’aumônes, l’assistance du pauvre et le pardon des injures, nous qui prions Dieu de nous combler de biens. Que vos jeûnes ne soient pas semblables à ceux que condamne le prophète, lorsqu’il s’écrit : Est-ce là le jeûne dont j’ai fait le choix, dit le Seigneur ? Le Seigneur n’a pour agréables que les jeûnes de ceux qui sont charitables ; il aime ceux qui allègent les fardeaux de leurs frères, ceux qui remettent les offenses.
Ainsi, que votre prière prenne appui sur l’humilité et la charité, sur le jeûne et sur l’aumône, sur l’abstinence et le pardon des injures, sur le soin que vous aurez de faire le bien au lieu de rendre le mal. Une telle prière ne peut que s’élever plus facilement dans les cieux où vous a précédés Jésus, le Christ, lui qui est notre paix.

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mercredi des cendres, 2°lecture

Sur Isaïe 58, 1-14
Le Carême, voyage vers Pâques

Alexandre Schmemann
Le grand Carême, introduction, p. 13-14

Lorsqu’un homme part en voyage, il doit savoir où il va. Ainsi en va-t-il du Carême. Avant tout, le Carême est un voyage spirituel et sa destination est Pâques, la « Fête des fêtes ». C’est la préparation à « l’accomplissement de la Pâque figurative, la vraie Révélation ». Nous devons donc essayer de comprendre cette relation entre le Carême et Pâques, car elle révèle quelque chose de très essentiel, quant à notre foi et à notre vie chrétienne.
Dans l’Eglise primitive, le principal but du Carême était de préparer au baptême les catéchumènes, c’est-à-dire les chrétiens nouvellement convertis, en un temps où le baptême était administré au cours de la liturgie pascale. Cependant, même lorsque l’Eglise ne baptisa plus des adultes et que l’institution du catéchuménat eut disparu, le sens fondamental du Carême demeura le même. Car, bien que nous soyons baptisés, ce que nous perdons et trahissons constamment, c’est précisément ce que nous avons reçu au baptême. C’est pourquoi Pâques est notre retour annuel à notre propre baptême, tandis que le Carême est notre préparation à ce retour, l’effort lent et soutenu pour, finalement, accomplir notre propre « passage », ou « pâque », dans la nouvelle Vie en Christ. Et si la liturgie de Carême conserve encore aujourd’hui son caractère catéchétique et baptismal, ce n’est pas comme un reste archéologique du passé, mais comme quelque chose de valable et d’essentiel pour nous. Car, chaque année, le Carême et Pâques nous font redécouvrir, une fois de plus, et recouvrer ce que le passage baptismal à travers la mort et la résurrection avait opéré en nous.
Un voyage, un pèlerinage. Et déjà, en l’entreprenant, dès le premier pas dans la « radieuse tristesse » du Carême, nous apercevons au loin, bien loin, la destination : la joie de Pâques, l’entrée dans la gloire du Royaume. Et c’est cette vision, l’avant-goût de Pâques, qui rend radieuse la tristesse du Carême, et qui fait de notre effort de Carême un « printemps spirituel ». La nuit peut être sombre et longue ; mais, tout au long du chemin, une aube mystérieuse et lumineuse pointe à l’horizon. « Ne déçois pas notre attente, ô Ami de l’homme ! »

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5° mardi du temps ordinaire

Sur Genèse 41,56 – 42,26
La voix de la conscience
Saint Jean Chrysostome
Homélie 64 sur la Genèse, n° 2

Si vous avez des intentions pacifiques, dit Joseph à ses frères, que l’un d’entre vous reste détenu dans cette prison. Vous autres, partez en emportant vos provisions de blé. Puis vous m’amènerez votre plus jeune frère et je pourrai croire à vos paroles. Sinon, vous mourrez. Considérez la sagacité de Joseph. Voulant à la fois témoigner sa bienveillance à ses frères, subvenir aux besoins de son père, et savoir la vérité au sujet du jeune Benjamin, il enjoint à l’un d’entre eux de rester et invite les autres à repartir.
Mais voilà que le juge incorruptible, je veux dire la conscience, se dresse devant les frères de Joseph. Sans que personne les mette en cause, ni ne les accuse publiquement, ils se font leurs propres accusateurs. Ils se dirent, en effet, l’un à l’autre : C’est justice ; nous étions coupables au sujet de notre frère Joseph. Nous sommes restés indifférents à son angoisse, quand il nous suppliait, et nous ne l’avons pas écouté. C’est pourquoi cette détresse s’est abattue sur nous.
Voilà bien le déroulement du péché : c’est lorsqu’il est accompli et passé dans les actes qu’il laisse éclater l’énormité de sa folie. Comme un ivrogne, tant qu’il est gorgé de vin, n’a aucune perception du mal que lui fait l’alcool et n’apprend qu’ensuite, à l’expérience, l’importance des dégâts, ainsi le péché, tant qu’il n’est pas consommé, affaiblit la pensée et obscurcit le raisonnement, comme un épais nuage. Mais ensuite, la conscience se cabre, elle déchire l’âme plus violemment que n’importe quel accusateur et montre l’absurdité des actes posés.
Contemple donc les frères de Joseph : ils arrivent à comprendre leur méchanceté, ils avouent le crime commis, maintenant qu’ils voient le danger au-dessus de leurs têtes : C’est justice, nous étions coupables au sujet de notre frère Joseph ; nous sommes restés insensibles devant son angoisse. Ce n’est pas par hasard, sans raison, que nous sommes dans la peine. Nous l’avons mérité et bien mérité. Nous subissons le châtiment de la cruauté et de l’inhumanité avec lesquelles nous avons traité notre frère, car nous sommes restés indifférents à sa détresse alors qu’il nous suppliait, et nous ne l’avons pas écouté. Nous avons été sans cœur, nous avons été très cruels. Voilà pourquoi maintenant nous subissons la même épreuve. Voilà pourquoi cette détresse s’est abattue sur nous.