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memoire de sainte Agnes

Mémoire de sainte Agnes

Le martyr d’Agnès

Saint Ambroise
Histoire des saints, tome II, La semence des martyrs, p. 64

On rapporte qu’elle subit le martyre à douze ans. Cruauté d’autant plus odieuse qu’elle n’a pas épargné même l’âge le plus tendre, ou plutôt grande force de la foi qui a trouvé un témoin jusque dans cet âge-là ! En un si petit corps, y avait-il place pour une blessure ? Et comment celle en qui le glaive ne trouvait pas de lieu où pénétrer, eut-elle la ressource de triompher du glaive ?
Sans craindre la main sanglante des bourreaux, impassible au milieu du grincement des lourdes chaînes qu’on tire, tantôt elle offre tout son corps à l’épée du soldat furieux, ne sachant pas encore ce qu’est la mort, mais prête si on l’entraîne malgré elle aux pieds des autels, à tendre ses mains vers le Christ au milieu des flammes et à former ainsi, sur les bûchers sacrilèges, le signe du Seigneur victorieux ; tantôt elle passe son cou et ses deux mains dans des chaînes de fer, mais aucun lien ne pouvait enfermer des membres si graciles.
Voici un martyr d’un genre nouveau : elle n’avait pas encore l’âge requis pour le supplice, mais elle était déjà mûre pour la victoire ; le difficile pour elle était de pouvoir combattre, mais remporter la victoire était aisé : elle devint maîtresse de vertu malgré l’obstacle de l’âge.
La jeune mariée ne se hâterait pas vers la couche nuptiale avec l’empressement que cette vierge mit à s’avancer, joyeuse de se présenter d’un pas alerte au lieu de son supplice, la tête parée non d’une chevelure bouclée, mais du Christ, couronnée non pas de tendres fleurs, mais de ses vertus. Tout le monde pleure, elle seule ne verse pas une larme ; la plupart s’étonne que si facilement prodigue de sa vie, elle en fasse don comme si elle l’avait déjà épuisée, alors qu’elle n’y a pas encore goûté. Tous sont saisis de stupeur en voyant témoigner pour Dieu une fillette qui, en raison de son âge, ne pouvait pas encore disposer d’elle-même. Bref, elle a obtenu qu’on ajoutât foi à son témoignage en faveur de Dieu, ce qu’elle n’aurait pas obtenu à son âge s’il s’était agi d’un homme : c’est que ce qui dépasse la nature révèle l’auteur de la nature.
De quelles terrifiantes menaces usa le bourreau pour l’épouvanter, de quelles caresses pour la persuader, combien firent des vœux pour avoir la chance de l’épouser ! Mais elle de s’écrier : C’est un affront pour l’époux que d’attendre celle qui doit lui plaire. Celui qui le premier m’a choisi m’obtiendra. Pourquoi, bourreau, tardes-tu ? Que périsse ce corps que peuvent aimer des regards dont je ne veux pas.
Debout, en prière, elle fléchit la nuque. On pouvait voir le désarroi du bourreau, comme si c’était lui le condamné à mort, la mais de l’exécuteur trembler, et pâlir le visage de qui craignait le péril d’autrui, alors que la fillette ne craignait pas celui qui la menaçait.

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2° mercredi du temps ordinaire

2° mercredi du temps ordinaire

Sur Genèse 14, 1-24
L’offrande de Melchisédeq : le pain et le vin
Philippe Lefebvre
Brèves rencontres, Vies minuscules de la Bible, Cerf, 2015, p. 61s

Melchisédeq offre à Abraham du pain et du vin. Pain et vin sont les seules denrées produites par les humains qui aient été évoquées depuis le début de la Genèse. Or, dès qu’ils apparaissent, le pain et le vin sont mis en rapport avec la malédiction : on trouve le pain pour la première fois dans la malédiction que Dieu prononce à l’encontre d’Adam, après la désobéissance : Maudit soit le sol à cause de toi ; à la sueur de ton visage tu mangeras du pain. Quant au terme vin, il est apparu deux fois dans l’histoire de Noé, la première fois lorsque Noé s’enivre, la seconde quand il maudit son fils Cham. Remarquons qu’au pain et au vin s’attache une malédiction, lors des péripéties du commencement, et lors de ce nouveau commencement qu’est l’après déluge.
Lorsqu’il apporte son offrande à Abraham, Melchisédeq le bénit en ces termes : Béni soit Abraham par le Dieu très haut. Melchisédeq atteste ainsi que la malédiction n’est pas la seule logique à l’œuvre dans ce monde. Faut-il gagner le pain par un travail assidu ? Voici que le pain est apporté à Abraham. L’absorption de vin a-t-elle amené à la malédiction de Cham ? Voici que le vin est offert à Abraham par un roi de Canaan. Ce passage de la malédiction à la bénédiction est d’autant plus notable que les deux types de paroles sont plus d’une fois présentés dans la Bible en binôme contrasté : Dieu bénit les humains et leur fructification (Gn 1,28), puis il maudit le sol qui fructifiera difficilement (Gn 3,17) ; Noé maudit Cham et bénit le Seigneur (Gn 9,25-27) ; le prophète Balaam doit maudire Israël, mais il ne peut que le bénir (Nb 22-24). La bénédiction de Melchisédeq, porteurs de deux mets liés à une malédiction, semble donc appartenir à cette confrontation récurrente entre ce qui est béni et ce qui est maudit.
La malédiction désigne le domaine de l’opacité et de la résistance des choses, de la vie qu’il faut acquérir de haute lutte ; la bénédiction marque au contraire la vie donnée là où elle était improbable, la vie venue de plus loin que des efforts humains, la vie reçue capable de se transmettre encore.
Ce que nous avons vu de Melchisédeq a bien sûr une grande importance pour le Nouveau Testament. On commente habituellement la figure de Melchisédeq telle que la lettre aux Hébreux la présente explicitement. Mais cette figure, sans être nommée, me semble aussi présente dans les Evangiles : le roi de Salem vient visiter les textes qui parlent de Jésus, roi de Jérusalem, donateur de pain et de vin sur lesquels il a prononcé la bénédiction. Jésus est un roi et un prêtre paradoxal, qui se donne en se donnant dans le pain et le vin, puis il revient manger et boire avec les siens, après être sorti de la fosse où on avait cru l’engloutir.

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2° mardi du temps ordinaire

2° mardi du temps ordinaire

Sur Genèse 12, 1-9
Le sens de l’appel d’Abraham
Jean Daniélou
Le mystère de l’Avent, chapitre 1, p. 29s

L’Ancien Testament est l’histoire de l’éducation religieuse de l’humanité par Dieu, de façon à la rendre capable de recevoir les biens divins qu’il lui destine. Avant de venir dans la chair pour accomplir pleinement le mystère du salut du monde, le Verbe de Dieu lui-même a commencé par préparer ce dont nous avons le prélude dans le choix que Dieu a fait d’Abraham et de sa descendance pour leur communiquer déjà les secrets du mystère du Christ, d’une manière encore obscure et cachée, mais très réelle pourtant. Et ceci de manière à habituer peu à peu une humanité grossière et rudimentaire, adonnée au culte des idoles, à s’élever, à comprendre et à deviner qu’elles allaient être les réalités que le Christ apporterait. Lorsque le Christ apparaîtrait et que son mystère serait révélé, l’humanité serait capable de le comprendre.
La migration d’Abraham de Chaldée en Canaan est donc un événement d’une nature presque unique, qui n’a d’égal dans la totalité de l’histoire que la création du monde et l’incarnation du Christ. Il est en effet le commencement absolu de l’action de Dieu dans l’histoire, comme la création est le commencement de son action dans le cosmos, et l’incarnation le commencement du monde futur. Il inaugure l’Histoire Sainte. Il est la première manifestation de l’action historique du Dieu vivant. C’est donc un ordre de réalité nouveau qui apparaît avec lui, et qui va remplir dix-neuf siècles. C’est là ce qui donne à ce départ d’Abraham son caractère unique.
Cet événement comprend plusieurs aspects. Il est d’abord un ordre de départ, une séparation. Jusque-là, en effet, Abraham semble avoir partagé les croyances idolâtriques de son peuple. Le départ d’Abraham, c’est donc la rupture avec les idoles et le commencement du culte du Dieu véritable. Pour toute la tradition judéo-chrétienne, Abraham est le modèle et le principe de la conversion au Dieu vivant par le commencement absolu de la foi.
En même temps qu’un ordre de départ, qu’une rupture avec le passé, l’élection d’Abraham est une promesse, l’annonce d’un avenir. Par-là, apparaît aussi dès l’abord le caractère de la religion nouvelle. La religion cosmique reconnaissait le divin dans la régularité du cours des astres et des saisons que Dieu avait garantie par l’Alliance noachique : c’était une religion de la nature. Au contraire, la religion biblique sera l’attente d’événements historiques à venir : Oui, je te bénirai et je te multiplierai.

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2° lundi du temps ordinaire

2° lundi du temps ordinaire

Sur Genèse 11, 1-26
La tour de Babel
Jean Chrysostome
Homélies XXX sur la Genèse, OC VII, p. 420s

Partis de l’Orient, ayant trouvé une plaine, les hommes s’y sont établis. Là, ils décidèrent de bâtir une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux. Avec quelle étrange sécurité ils songent à construire ! Ne méconnaissent-ils pas cette vérité : Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain peinent les maçons. Ce n’est pas pour Dieu qu’ils entendent travailler, c’est pour eux-mêmes. Quel progrès dans le mal ! Le souvenir de l’extermination générale est encore présent, et ils se portent à cet excès de démence, une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Et leur audace s’amplifie : Faisons-nous un nom. Voilà la racine du mal : ils désirent acquérir une gloire immortelle, ils veulent que la postérité se souvienne à jamais d’eux, car cette tour, non seulement atteindra les cieux, mais encore elle se montrera à tous pour toujours. Leur gloire sera ainsi impérissable, leur nom immortel.
La perversité des hommes est grande ! La catastrophe qui vient de les frapper ne les empêche pas de retomber dans les mêmes désordres. Que va-t-il arriver ? Comment vont-ils être arrêtés dans leur folle entreprise ? Le Seigneur a promis, s’inspirant de son amour pour les hommes, de ne plus envoyer de déluge ; mais eux ne sont rendus meilleurs ni par les châtiments, ni par les bienfaits.
Ecoutez ce qui suit, et voyez la grandeur infinie de la divine miséricorde. Le Seigneur descendit. Dieu n’agit que pour notre bien ; c’est pour l’instruction du genre humain qu’il montre tant de condescendance. Le Seigneur descendit pour voir la ville et la tour. Il ne les arrête pas aussitôt, il use envers eux d’une grande patience, et ce n’est que lorsqu’ils ont pleinement manifesté leur perversité par leurs actes, qu’il s’oppose à leurs efforts. Le Seigneur descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les enfants des hommes. Dans cette conduite de Dieu, vous pouvez y voir une nouvelle preuve éclatante de sa miséricorde : il permet que les hommes s’épuisent de fatigues et d’ennuis pour que leur expérience leur soit une sévère leçon. Comme il voit que leur malice augmente, il ne les laisse pas aller jusqu’au bout, cédant aux impulsions de sa bonté, tel un habile médecin en présence d’une plaie qui tend à devenir incurable, il emploie le fer sans hésiter afin d’enlever la cause même du mal. Voilà, dit Dieu, qu’ils ont tous une même langue comme une même origine. Ils ne s’arrêteront pas dans leur folle entreprise. Descendons pour confondre leurs langues, si bien qu’aucun d’eux ne comprenne son voisin. L’unité de langage les tient réunis en société, la diversité des langues les dispersera. Cette tour reçut à cause de cela le nom de confusion.
Gardons-nous, frères, de marcher sur la trace de ces hommes, et d’abuser des dons de Dieu.

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2° dimanche du temps ordinaire, 3° lecture

2° dimanche du temps ordinaire, 3° lecture

Sur Jean 2, 1-11
L’eau fut changée en vin

Ephrem le Syrien
Commentaire du Diatessaron, SC 121, p. 213s

Au désert, notre Seigneur multiplia le pain, à Cana il changea l’eau en vin. Il habitua ainsi la bouche de ses disciples à son pain et à son vin, jusqu’au temps où il leur donnerait son corps et son sang. Il leur fit goûter un pain et un vin transitoire, pour attiser en eux le désir de son corps et de son sang vivifiants. Il leur donna libéralement ces menues choses, pour qu’ils sachent que son don suprême serait gratuit. Il les leur donna gratuitement, afin qu’ils sachent qu’on ne leur demanderait pas de payer une chose inestimable, car, s’ils pouvaient payer le prix du pain et du vin, ils ne pourraient payer son corps et son sang.
Non seulement il nous a comblés gratuitement de ses dons, mais encore il nous a cajolés avec tendresse. Car il nous a donné ces menues choses gratuitement pour nous attirer, afin que nous approchions et recevions gratuitement cette chose si grande qu’est l’Eucharistie. Ces menus morceaux de pains et de vin qu’il a donnés étaient doux à la bouche, mais le don de son corps et de son sang est utile à l’esprit. Il a caché de la douceur dans le vin qu’il a fait pour indiquer aux convives quel trésor magnifique est caché dans son sang vivifiant.
Comme premier signe, il fit un vin réjouissant pour les convives, afin de manifester que son sang réjouirait toutes les nations. Le vin intervient dans toutes les joies imaginables, et de même toutes les délivrances se rattachent au mystère de son sang. Il donna aux convives un vin excellent qui transforma leur esprit, pour leur faire savoir que la doctrine dont il les abreuverait transformerait leur cœur. Ce qui n’était d’abord que de l’eau fut changé en vin dans les amphores ; c’était le symbole du premier commandement amené à la perfection ; l’eau transformée, c’était la loi perfectionnée. Les convives buvaient ce qui avait été de l’eau, mais sans goûter l’eau. De même lorsque nous entendons les anciens commandements, nous les goûtons dans leur saveur nouvelle. Au précepte gifle pour gifle qui est dans la loi de Moïse, a été substitué la perfection : A celui qui frappe, présente l’autre joue (Matthieu 5,39).
En un clin d’œil, le Seigneur a multiplié un peu de pain et transformé l’eau en vin. Ce que les hommes font et transforment en dix mois de travail, ses dix doigts l’ont fait en un instant. Ses mains furent comme une terre sous son fruit ; le murmure de ses lèvres se répandit sur lui comme la rosée et le souffle de sa bouche comme le soleil ; en un très court instant il a mené à bout ce qui demande normalement une longue période. Le Seigneur a ainsi démontré la vigueur pénétrante de sa parole à ceux qui l’exécutaient, et la rapidité avec laquelle il octroyait ses dons à ceux qui en bénéficiaient.

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2° dimanche du temps ordinaire, 2° lecture

2° dimanche du temps ordinaire, 2° lecture

Sur Genèse 9,1-17
Aux jours de Noé, la nouvelle Alliance

Paul Beauchamp
Aux jours de Noé, la nouvelle alliance, AS 14, p. 15s

Si Adam est venu au premier jour de l’histoire, Noé survient pour ainsi dire à son premier lendemain. Bien que l’Alliance avec Adam n’ait pas été explicitement formulée comme telle, l’Alliance avec Noé est une nouvelle Alliance parce qu’elle restaure le lien qui unissait Dieu et l’humanité depuis Adam.
La nouvelle Alliance est autre que la première parce qu’elle contient des éléments et un sens que la première ne contenait pas. Le simple fait qu’il a fallu recommencer, et les circonstances de ce recommencement, impliquent un changement qualitatif. La nouvelle Alliance survient après la plus large extension du péché et après le déluge universel. En cela, c’est une Alliance de pardon et de miséricorde. Toutefois, Noé était un homme juste, intègre parmi ses contemporains, et il marchait avec Dieu. Noé n’apparaît pas comme pécheur pardonné, ni même comme le juste qui sauve ses contemporains, si ce n’est sa famille et les espèces animales. Sa fonction est autre : Noé est le juste qui sauve l’avenir. Tout recommence à partir d’un mal universel au milieu duquel le bien tenait une place infime. Israël a connu le désespoir à l’échelle de toute l’humanité et s’est interrogé.
La réponse porte en elle la substance de l’Alliance nouvelle, car celle-ci est éternelle. Ce trait essentiel n’avait pas été manifesté dans la première Alliance. C’est donc après que le mal s’est déployé en surabondance, que la bonté de Dieu se déclare avec plus d’ampleur. Après ce que l’homme a montré de lui-même, l’Alliance vient garantir que la bonté de Dieu gardera le dessus.
Tout contrat s’accompagne d’un document. L’arc-en-ciel remplit cette fonction de memento : Je le verrai et me souviendrai de l’Alliance éternelle. Nous voyons dans ce phénomène météorologique surtout les couleurs ; les Hébreux y voyaient surtout l’arc, qu’ils associaient à tout un réseau de symbole du Dieu des armées. Tout ce qui passe dans le ciel, éclairs, tonnerres, ondées, lumière et vent, se rattachait aux armes et aux combats du Dieu guerrier : le déluge est une de ces manifestations. Mais l’arc-en-ciel n’est pas seulement une arme, c’est une arme replacée au mur, un signe de repos. Retenons que le symbole choisi pour la paix est une arme, un peu comme l’épée devenue soc de charrue, et la lance devenue faucille. La paix de Dieu, c’est l’union des contraires. Selon l’histoire de Noé, le péché de l’homme est la violence, qui est aussi son châtiment : Qui verse le sang de l’homme, par l’homme aura son sang versé. Le châtiment du déluge est pourtant venu de Dieu lui-même. La paix nouvelle n’est pas l’oubli, puisque c’est l’arme suspendue qui porte Dieu à se souvenir de l’Alliance éternelle. La paix n’est pas débonnaireté insignifiante.

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samedi de la 1ere semaine du temps ordinaire

Samedi de la 1ere semaine du temps ordinaire

Sur Genèse 8,1-22
La sortie de l’Arche

Saint Augustin
Contre Fauste, Livre XII, chapitre XIX-XX, OC 25, p. 561s

Le septième mois, l’Arche s’arrêta, c’est-à-dire qu’elle se reposa, ce qui nous ramène au repos du septième jour de la création, repos dans lequel les saints sont entrés, repos qui nous est promis en espérance. Lorsque le corps se réunit à l’âme, le repos où les saints entrent après cette vie ne prend pas fin pour cela ; c’est le contraire, il place l’homme tout entier dans le bonheur de la vie éternelle, non plus seulement en espérance, mais en réalité, après l’avoir renouvelé en tout point par le salut parfait qui consiste dans l’immortalité de l’âme et du corps, haut et profond mystère du sacrement de la régénération, c’est-à-dire du baptême. L’eau, lors du déluge, s’éleva de quinze coudées au-dessus des plus hautes montagnes ; cela veut dire que ce mystère dépasse toute la sagesse des esprits superbes ; cela indique la profondeur du baptême dans la consécration de l’homme nouveau pour tenir la foi du repos et de la résurrection.
L’Arche arrêtée, les eaux baissent ; quarante jours s’écoulent, le corbeau est lâché ; il ne revint point. Il est la figure des hommes aux passions immondes et hideuses, attachées par elles dans le monde ; ils sont retenus par ceux qui vivent hors de l’Eglise. La colombe, lâchée à son tour, ne trouve point où se poser : elle signifie que le repos promis aux saints ne se trouve point en ce monde. La colombe est relâchée sept jours après ; elle rapporte un rameau d’olivier pour montrer qu’il y a des hommes qui, avec douceur et charité, peuvent être ramenés dans l’Eglise. Lâchée une troisième fois, la colombe ne revint plus. C’est l’image de la fin du siècle : alors le repos des saints ne sera plus dans le sacrement de l’espérance qui réunit l’Eglise en un seul et même corps, maintenant qu’on boit ce qui s’est écoulé du côté du Christ, mais dans la perfection du salut éternel, quand l’empire sera remis à Dieu le Père, et que nous n’aurons plus besoin d’aucun mystère corporel, parce que nous serons dans la claire contemplation de l’immuable vérité.

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memoire des saints Maur et Placide

Mémoire des saints Maur et Placide

Genèse 6,5-22 . 7,17-24
Un miracle de saint Benoît

Adalbert de Vogüé
Vie de saint Benoît, Bellefontaine, 1982, p. 72s

Le dernier miracle de saint Benoît, réalisé à Subiaco, comprend à a fois une opération de sauvetage, réalisée par un intermédiaire, Placide, et une vision accordée à la personne sauvée, Maur. De plus, le sauvetage lui-même présente deux traits merveilleux : la marche sur les eaux et l’inconscience de l’acteur.
De ces divers éléments, celui que Grégoire met en relief est la marche sur les eaux, prodige qu’il déclare inédit depuis l’apôtre Pierre. Ici, le modèle biblique est expressément mentionné. Chose curieuse, c’est au même Pierre que fait penser le « retour à soi » de Maur après son exploit inconscient : Grégoire a cité déjà cet exemple du Prince des apôtres sortant de prison comme en rêve, « revenant à lui » et prenant conscience de la réalité de sa délivrance.
Ainsi Maur représente deux fois l’apôtre : d’abord quand il court sur les eaux, puis quand « il revient à lui ». Ajoutons que son rôle de sauveteur l’assimile à Jésus dans la scène sur le lac : lorsque Pierre prend peur et commence à s’enfoncer, le Maître lui tend la main et le tire du danger. Mais ce geste discret du Christ ne ressemble guère à celui du jeune moine qui empoigne la chevelure du petit Placide. A cet égard, on songe plutôt à l’ange qui enleva Habacuc, autre épisode scripturaire qu’on rencontre ailleurs dans les Dialogues.
En marchant sur les eaux, Maur ne fait qu’obéir à son Abbé. On voit, dès lors, de qui celui-ci tient la place. Comme Pierre n’a marché sur les eaux qu’en vertu de la volonté de Jésus, ainsi Maur doit son haut fait à celle de Benoît. « L’Abbé tient la place du Christ », dit saint Benoît dans sa Règle.
Ce miracle est différent de son précédent évangélique. La scène de l’Evangile est dramatique : c’est la nuit, le vent souffle en tempête, la barque est en difficulté, les disciples s’épouvantent de voir Jésus et poussent des cris ; Pierre sollicite un signe, se lance sur le lac, s’effraie du vent, commence à enfoncer, appelle au secours ; Jésus, en le sauvant, lui reproche son manque de foi. Au contraire, l’action, dans les Dialogues, se déroule comme par enchantement : c’est seulement après coup que Maur se rend compte du prodige accompli et du danger couru ; Grégoire a dédramatisé l’épisode évangélique. Plus rien de sombre, d’angoissé, de tumultueux ; un beau miracle triomphal et paisible, voilà tout ce qui reste de la nuit de tempête sur le lac de Galilée.
Prière de Benoît, humilité et obéissance de Maur, n’est-ce pas là, à une inversion près, les trois critères de vocation du novice qu’indique la Règle ?

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jeudi de la 1ere semaine du temps ordinaire

Jeudi de la 1ere semaine du temps ordinaire

Sur Genèse 4, 1-24
Le sang versé du Juste crie de la terre
Sévérien de Gabala
Homélie sur les sacrifices de Caïn et les offrandes d’Abel

Nous rencontrons aujourd’hui dans notre lecture l’histoire de Caïn et Abel. L’un et l’autre avaient l’air d’honorer Dieu par un culte identique, mais, en fait, ils présentaient leurs offrandes avec des dispositions bien différentes. Celles de l’aîné n’avaient que l’apparence d’un don, celles du plus jeune, au contraire, témoignaient de sa révérence et de sa piété.
De là, naquirent des sentiments d’envie, car la piété, qui attend sa récompense du Juge suprême, s’attire toujours la jalousie des méchants. Abel fut donc assassiné : il fut le premier à confesser la justice, le premier à vénérer la piété, le premier à honorer la fidélité, à adorer Dieu en vérité.
Je trouve ainsi en saint Abel l’image du Christ. Le Sauveur, certes, est le Juste par excellence, le Prince de ces justes qui ont reçu la nouvelle naissance quand eut pris fin le règne de la loi. Mais parmi tous les hommes de l’ancienne Alliance, le prince de la justice, c’est Abel. Dans l’ordre de la régénération de la nature humaine accomplie par le Seigneur de tous, tu rencontres en premier le corps du Seigneur ; de même dans l’économie ancienne, comme prémices de la justice, tu trouves Abel. Oui, il est vraiment le prince des justes de l’Ancien Testament, comme le Christ est le Prince des justes du Nouveau.
Chose admirable : parce qu’il a combattu le premier pour la justice, Abel eut l’honneur de souffrir le premier pour la piété ! Il est vraiment la figure du Christ qui fut mis à mort à cause de la vérité. Le sang d’Abel annonçait le sang du Christ. Il criait de la terre ; le sang du Seigneur crie lui aussi. Mais le sang d’Abel était supplication, le sang du Christ est la réconciliation du monde. C’est pourquoi l’Apôtre, faisant mémoire de l’un et de l‘autre, confesse la supériorité du sang du Christ : Nous nous sommes approchés du Dieu vivant, le Juge universel, des âmes des justes arrivés à la perfection et d’un sang purificateur qui parle plus fort que celui d’Abel (Hébreux 12,22-24).
Oui, ce sang parle, il supplie pour les pécheurs, il intercède pour le monde. Le sang du Christ, c’est vraiment la purification du monde ; le sang du Christ, c’est la rédemption des hommes !

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memoire de saint Hilaire de Poitiers

Mémoire de saint Hilaire de Poitiers

Sur Genèse 3, 1-24
La connaissance par Dieu
Hilaire de Poitiers
Commentaires sur les psaumes, Traité sur le psaume 1, SC 515, p. 209s

Le Seigneur connait le chemin des justes, tandis que le chemin des impies disparaîtra. Si les pécheurs n’entrent pas dans l’assemblée des justes, c’est parce que le Seigneur connaît le chemin des justes. Pour lui, connaître, ce n’est pas savoir ce qu’il ignorait, mais avoir de l’estime pour l’objet de sa connaissance : Dieu n’est pas soumis au changement caractéristique des passions humaines, qui fait connaître ou ignorer quelque chose !
Dans la première lettre aux Corinthiens (14,37-38), le bienheureux apôtre Paul a exposé la manière dont nous sommes connus de Dieu : « S’il y a, parmi vous, un prophète ou un spirituel, qu’il connaisse que mes écrits viennent du Seigneur ! S’il ne les connaît pas, c’est qu’il n’est pas connu ». Il a donc montré que Dieu connaît ceux qui ont connu ce qui vient de Dieu. Ils sont connus, au moment même où ils connaissent, en ayant l’honneur de connaître, parce qu’ils ont le mérite de connaître la religion. Ainsi, être connu ne désigne pas un progrès pour celui qui ignorait, mais pour ce qui est connu.
Les exemples d’Adam et d’Abraham montrent clairement que le Seigneur ignore les pécheurs et connaît les fidèles. En effet, après son péché, Adam s’entend dire : Adam, où es-tu ? Dieu n’ignore pas que celui qu’il avait mis au paradis s’y trouverait encore, mais en demandant à Adam où il est, Dieu montre que son péché l’a rendu indigne d’être connu de lui.
Abraham fut longtemps ignoré, puisqu’il était déjà septuagénaire lorsque Dieu lui adressa la parole. Après avoir prouvé sa fidélité au Seigneur par l’offrande d’Isaac, il est reçu dans l’intimité familiale de Dieu par cette marque d’estime : Maintenant, je connais que tu crains le Seigneur ton Dieu car tu ne m’as pas refusé ton fils bien-aimé. Abraham est donc ainsi connu, approuvé, digne de ne pas être ignoré. Voilà comment Dieu sait et ne sait pas : en tant que pécheur, Adam n’est pas connu, et, en tant que fidèle, Abraham est reconnu.
Dieu connaît donc le chemin des justes qui ne devront pas être jugés, et c’est ainsi que les pécheurs qui seront jugés sont écartés de leur assemblée. Les impies ne ressusciteront pas pour le jugement, car, sur leur chemin de perdition, ils ont déjà été jugés par Celui qui a dit : Le Père ne juge personne, mais il a remis tout le jugement au Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, qui est béni pour les siècles des siècles. Amen.