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mercredi des cendres, 3°lecture

Sur Matthieu 6,1-6 . 16-18
La prière et ses deux ailes : l’aumône et le jeûne

Saint Augustin
Sermons 206 au peuple, 2ème sermon pour le Carême, OC 18, p. 106s

Voici le retour annuel du temps de Carême : je me sens obligé de vous adresser quelques exhortations : offrez au Seigneur des œuvres appropriées à ce temps de préparation aux fêtes de Pâques. Non que ces œuvres soient utiles au Seigneur ! Non, c’est vous qui en profitez et en recueillerez les fruits. Pendant toute l’année, un chrétien doit s’appliquer à la prière, au jeûne, à l’aumône. Mais la solennité de ce temps de Carême devrait exciter l’ardeur de ceux qui, en temps ordinaire, négligent de le faire et inspirer une ferveur nouvelle à ceux qui s’y adonnent fidèlement et avec zèle. Toute notre vie, ici-bas, est le temps de l’humilité, dont nous voyons le signe au cours de ces jours où le Christ notre Seigneur qui a souffert et est mort pour nous, une fois pour toutes, semble renouveler chaque année les souffrances de sa passion. Si nous mourons avec le Christ, dit l’apôtre, nous vivrons avec lui ; si nous souffrons avec lui, nous règnerons aussi avec lui.
Nous célébrons avec ferveur les deux conditions de l’existence humaine : la première quand arrive la commémoration de la passion ; la seconde nous la fêtons aux jours de Pâques. Après les jours de son abaissement, sans voir encore le temps où nous vivrons en haut, près de Dieu, nous aimons le méditer par avance et le représenter dans des signes. Persévérons dans les supplications et nous pourrons alors nous réjouir dans les chants de joie et de louange.
Pour que nos prières prennent plus facilement leur essor et parvenir jusqu’à Dieu, il faut leur donner les deux ailes de l’aumône et du jeûne. Or un chrétien comprend combien il doit être éloigné de prendre le bien d’autrui, quand il voit clairement que c’est une espèce de larcin de ne pas donner son superflu à l’indigent. Notre Seigneur nous a dit : Donnez et on vous donnera. Pratiquons avec charité, avec ferveur, ces deux sortes d’aumônes, l’assistance du pauvre et le pardon des injures, nous qui prions Dieu de nous combler de biens. Que vos jeûnes ne soient pas semblables à ceux que condamne le prophète, lorsqu’il s’écrit : Est-ce là le jeûne dont j’ai fait le choix, dit le Seigneur ? Le Seigneur n’a pour agréables que les jeûnes de ceux qui sont charitables ; il aime ceux qui allègent les fardeaux de leurs frères, ceux qui remettent les offenses.
Ainsi, que votre prière prenne appui sur l’humilité et la charité, sur le jeûne et sur l’aumône, sur l’abstinence et le pardon des injures, sur le soin que vous aurez de faire le bien au lieu de rendre le mal. Une telle prière ne peut que s’élever plus facilement dans les cieux où vous a précédés Jésus, le Christ, lui qui est notre paix.

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mercredi des cendres, 2°lecture

Sur Isaïe 58, 1-14
Le Carême, voyage vers Pâques

Alexandre Schmemann
Le grand Carême, introduction, p. 13-14

Lorsqu’un homme part en voyage, il doit savoir où il va. Ainsi en va-t-il du Carême. Avant tout, le Carême est un voyage spirituel et sa destination est Pâques, la « Fête des fêtes ». C’est la préparation à « l’accomplissement de la Pâque figurative, la vraie Révélation ». Nous devons donc essayer de comprendre cette relation entre le Carême et Pâques, car elle révèle quelque chose de très essentiel, quant à notre foi et à notre vie chrétienne.
Dans l’Eglise primitive, le principal but du Carême était de préparer au baptême les catéchumènes, c’est-à-dire les chrétiens nouvellement convertis, en un temps où le baptême était administré au cours de la liturgie pascale. Cependant, même lorsque l’Eglise ne baptisa plus des adultes et que l’institution du catéchuménat eut disparu, le sens fondamental du Carême demeura le même. Car, bien que nous soyons baptisés, ce que nous perdons et trahissons constamment, c’est précisément ce que nous avons reçu au baptême. C’est pourquoi Pâques est notre retour annuel à notre propre baptême, tandis que le Carême est notre préparation à ce retour, l’effort lent et soutenu pour, finalement, accomplir notre propre « passage », ou « pâque », dans la nouvelle Vie en Christ. Et si la liturgie de Carême conserve encore aujourd’hui son caractère catéchétique et baptismal, ce n’est pas comme un reste archéologique du passé, mais comme quelque chose de valable et d’essentiel pour nous. Car, chaque année, le Carême et Pâques nous font redécouvrir, une fois de plus, et recouvrer ce que le passage baptismal à travers la mort et la résurrection avait opéré en nous.
Un voyage, un pèlerinage. Et déjà, en l’entreprenant, dès le premier pas dans la « radieuse tristesse » du Carême, nous apercevons au loin, bien loin, la destination : la joie de Pâques, l’entrée dans la gloire du Royaume. Et c’est cette vision, l’avant-goût de Pâques, qui rend radieuse la tristesse du Carême, et qui fait de notre effort de Carême un « printemps spirituel ». La nuit peut être sombre et longue ; mais, tout au long du chemin, une aube mystérieuse et lumineuse pointe à l’horizon. « Ne déçois pas notre attente, ô Ami de l’homme ! »

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5° mardi du temps ordinaire

Sur Genèse 41,56 – 42,26
La voix de la conscience
Saint Jean Chrysostome
Homélie 64 sur la Genèse, n° 2

Si vous avez des intentions pacifiques, dit Joseph à ses frères, que l’un d’entre vous reste détenu dans cette prison. Vous autres, partez en emportant vos provisions de blé. Puis vous m’amènerez votre plus jeune frère et je pourrai croire à vos paroles. Sinon, vous mourrez. Considérez la sagacité de Joseph. Voulant à la fois témoigner sa bienveillance à ses frères, subvenir aux besoins de son père, et savoir la vérité au sujet du jeune Benjamin, il enjoint à l’un d’entre eux de rester et invite les autres à repartir.
Mais voilà que le juge incorruptible, je veux dire la conscience, se dresse devant les frères de Joseph. Sans que personne les mette en cause, ni ne les accuse publiquement, ils se font leurs propres accusateurs. Ils se dirent, en effet, l’un à l’autre : C’est justice ; nous étions coupables au sujet de notre frère Joseph. Nous sommes restés indifférents à son angoisse, quand il nous suppliait, et nous ne l’avons pas écouté. C’est pourquoi cette détresse s’est abattue sur nous.
Voilà bien le déroulement du péché : c’est lorsqu’il est accompli et passé dans les actes qu’il laisse éclater l’énormité de sa folie. Comme un ivrogne, tant qu’il est gorgé de vin, n’a aucune perception du mal que lui fait l’alcool et n’apprend qu’ensuite, à l’expérience, l’importance des dégâts, ainsi le péché, tant qu’il n’est pas consommé, affaiblit la pensée et obscurcit le raisonnement, comme un épais nuage. Mais ensuite, la conscience se cabre, elle déchire l’âme plus violemment que n’importe quel accusateur et montre l’absurdité des actes posés.
Contemple donc les frères de Joseph : ils arrivent à comprendre leur méchanceté, ils avouent le crime commis, maintenant qu’ils voient le danger au-dessus de leurs têtes : C’est justice, nous étions coupables au sujet de notre frère Joseph ; nous sommes restés insensibles devant son angoisse. Ce n’est pas par hasard, sans raison, que nous sommes dans la peine. Nous l’avons mérité et bien mérité. Nous subissons le châtiment de la cruauté et de l’inhumanité avec lesquelles nous avons traité notre frère, car nous sommes restés indifférents à sa détresse alors qu’il nous suppliait, et nous ne l’avons pas écouté. Nous avons été sans cœur, nous avons été très cruels. Voilà pourquoi maintenant nous subissons la même épreuve. Voilà pourquoi cette détresse s’est abattue sur nous.

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5° lundi du temps ordinaire

Sur Genèse 41, 1-17 . 25-43
L’élévation de Joseph est la figure du triomphe du Christ
Grégoire d’Elvire
Traité des Livres des Saintes Ecriture, n° 5

La vie du patriarche Joseph fut une figure de celle du Christ. Il faudrait comparer un à un bien des traits de leur existence pour montrer que tous concordent. Rappelons-en du moins quelques-uns.
Joseph fut vendu par ses frères, le Christ le fut par Judas le traître, selon la prophétie de Zacharie : Ils reçurent trente pièces d’argent, prix auquel les fils d’Israël estimèrent le bien-aimé.
Joseph, bien qu’il n’eût rien fait de mal, fut envoyé en prison. Le Christ, pour des crimes qui lui étaient étrangers, c’est-à-dire pour les péchés du genre humain, descendit aux enfers, cette prison des enchaînés, afin de libérer les âmes de ceux qui y étaient retenus captifs, comme l’atteste le psaume 145 : Le Seigneur délivre les enchaînés.
Ensuite, quand Joseph eut expliqué les songes de Pharaon, on lui donna un char et un héraut pour courir devant lui. Pharaon l’établit sur tout le pays d’Egypte afin d’emmagasiner le blé dans ses greniers. Ainsi notre Seigneur, après être ressuscité de la prison des enfers, monta sur un char triomphal jusqu’au plus haut des cieux, comme l’annonçait David : Les chars de Dieu sont des milliers de myriades. Joseph reçut un nom nouveau en langue égyptienne ; le Père a donné à son Fils Jésus le nom qui est au-dessus de tout nom.
Le Christ eut son héraut en la personne de Jean Baptiste, qui marcha devant lui en proclamant : Préparez les chemins du Seigneur, rendez droits les sentiers de notre Dieu. Il aura encore un autre héraut lors de son second avènement, Elie, le prophète, et la trompette de l’ange retentira.
Joseph fut revêtu d’habits de lin fin ; le Christ, en ressuscitant, revêtit sa chair très sainte de la robe éclatante de l’immortalité selon sa parole : Comme le Père a la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir lui aussi la vie en lui-même. Pour ses parents et ses frères, Joseph choisit l’excellente terre de Goshen, et il leur distribua du froment en quantité suffisante pour parer à la famine ; ainsi le Seigneur prépare pour ses frères, c’est-à-dire pour les saints, la terre de la promesse qui est le Royaume de Dieu, cette terre dont parle le psaume 114 : Je plairai au Seigneur sur la terre des vivants.

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5° dimanche du temps ordinaire, 3° lecture

Sur Luc 5, 1-11
« Désormais tu seras pêcheur d’hommes »

Ludolphe le Chartreux
La vie de Jésus Christ, première partie, chapitre 29, 9-11

Ils remplirent les deux barques à tel point qu’elles s’enfonçaient. Cette merveille accomplie par le Christ plongea Simon Pierre et ses compagnons dans un étonnement et une admiration qui absorbaient tout leur esprit. Pierre, comprenant que ce ne pouvait être là l’effet d’une puissance humaine, se jette avec humilité aux genoux de Jésus. Il reconnaît en lui son Seigneur et lui dit : Retire-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur, et je ne suis pas digne de demeurer en ta compagnie. Retire-toi de moi, car je suis seulement un homme et tu es l’Homme-Dieu, je suis pécheur et tu es saint, je suis serviteur et tu es Seigneur. Qu’une distance te sépare de moi qui suis séparé de toi par la fragilité de ma nature, la laideur de mes fautes et la faiblesse de mon pouvoir.
Mais le Seigneur console Pierre en lui montrant que la capture des poissons signifie qu’il sera pêcheur d’hommes. « Ne crains pas, lui dit-il, ne t’effraie pas ; crois plutôt et réjouis-toi, car tu es destiné à une pêche bien plus grande ; une autre barque et d’autres filets te seront donnés. Jusqu’à présent tu as pris des poissons avec des filets, désormais c’est par la parole que tu prendras des hommes. Par la sainte doctrine, tu attireras sur le chemin du salut, car tu es appelé au service de la prédication. La parole de Dieu est semblable à l’hameçon du pêcheur. De même que l’hameçon ne prend le poisson qu’après d’abord avoir été pris par lui, ainsi la parole de Dieu ne prend l’homme pour la vie éternelle que si cette parole a d’abord pénétré son esprit. Désormais, ce sont des hommes que tu prendras. Désormais, c’est-à-dire après ce qui s’est passé, après le témoignage de ton humilité, tu auras la charge de prendre des hommes, car l’humilité a une force d’attraction, et pour commander aux autres, il est bon de savoir se glorifier de son pouvoir. »
Avec ses compagnons, Pierre n’avait rien pris en une nuit de labeur. Sur la parole du Christ, il a jeté son filet et pris une multitude de poissons. Quant à lui, il ne s’attribua rien d’autre que ses péchés : Retire-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. Voilà bien le modèle de la prédication évangélique. Celui qui compte sur ses propres forces ne sert à rien, mais celui qui s’appuie sur la grande force de Dieu est utile. Pierre, après avoir pris tous ces poissons, s’est jeté aux genoux de Jésus. Cela nous donne à entendre qu’un prédicateur qui a gagné beaucoup d’hommes par sa prédication et ses exhortations doit s’humilier devant Dieu et tout lui attribuer, ne se réservant à lui-même que ce qui a été défectueux. Alors, le Seigneur le réconfortera en lui disant : « Ne crains pas : un plus grand succès t’est promis dans l’avenir ; désormais tu prendras plus d’hommes encore ».

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5° dimanche du temps ordinaire, 2° lecture

Sur Genèse 39, 1-23
Vous, les nouveaux baptisés, imitez la vertu de Joseph

Astérius d’Amasée
Homélie 19, Sur le psaume 5

Joseph est une figure du Christ : l’affirmation n’a rien de surprenant ; il suffit, pour s’en convaincre, de prêter l’oreille à l’histoire.
Les calomnies de l’égyptienne ont jeté Joseph dans les fers ; les faux témoignages des grands prêtres ont livré à Pilate le Christ enchaîné. Joseph s’est trouvé en prison avec deux eunuques, le Christ fut crucifié entre deux malfaiteurs. Joseph envoya l’un des deux eunuques dans le Palais royal ; le Christ introduisit l’un des deux malfaiteurs dans le Royaume. Joseph, saisi par l’égyptienne, lui abandonna ses vêtements et s’échappa : le Christ, saisi par la mort, s’échappa en abandonnant dans le tombeau le suaire qui le recouvrait. L’égyptienne garda les vêtements, mais sans tenir Joseph ; le tombeau garda le suaire, mais sans retenir le Seigneur, car il n’avait pas le pouvoir de triompher de lui.
Vous qui m’écoutez parler de Joseph, je vous en prie, imitez sa pureté. Joseph fut vendu au chef des cuisiniers, mais il se détourna de l’égyptienne comme d’une fumée. Elle se saisit de sa tunique, mais ne lui enleva point sa chasteté ; elle s’empara de ses vêtements, mais ne vint pas à bout du lutteur. Quand un chien mord et déchire les vêtements de quelqu’un, cet homme aussitôt enlève ses habits et les jette, de peur que le virus en se propageant ne devienne pour lui semence de mort. C’est ainsi que Joseph jeta à l’égyptienne en furie les vêtements qu’elle avait saisis ; il évita de cette manière le virus mortel de l’adultère. Si la femme de son maître n’a pu asservir l’esclave à l’esclavage du péché, ne va pas, toi, le nouveau baptisé, te laisser réduire en esclavage par une femme dévoyée.
Sinon, au jour du jugement, Joseph se mettra à plaider contre toi. Il dira : « Moi, j’ai été vendu en pays étranger, mais je ne me suis pas vendu au péché, je ne me suis pas conduit en étranger de Dieu. Si je n’ai pas reçu la Loi, si je n’avais pas connu les prophètes, ni lu les Evangiles, j’ai pourtant, avant les Ecritures, écrit un livre de vertu qui est ma vie même. Mais toi, le nouveau baptisé, après la Loi, après les prophètes, après les Evangiles, après l’enseignement et la catéchèse, après l’onction qui fortifie pour la lutte, après le bain nuptial, après la chrismation par l’Esprit, après le vêtement brillant de blancheur, tu es devenu un esclave, asservi par les passions ».
Ainsi donc, fuis l’esclavage du péché, pour recevoir l’héritage des fils adoptifs.

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memoire des saints martyrs du Japon

Sur Genèse 37, 2-4 . 12-36
L’exemple des Martyrs du Japon
Saint Jean-Paul II
Documentation Catholique tome 78, 1981, p. 333s

L’amour généreux et les activités pleines de zèle de Paul Miki et de ses compagnons, martyrs du Japon, s’expliquent entièrement par la force de l’Esprit-Saint qui agissait en eux, les conduisant à obéir pleinement aux commandements divins. Nous pouvons pleinement comprendre la réponse que les interprètes du tribunal de Nagasaki donnèrent aux deux juges : Messieurs, dire à ces gens de renier leur foi, c’est comme administrer un remède à un mourant pour le faire revivre ; en fait, ils retrouvent une nouvelle vie et répondent avec grande vigueur.
Leur attitude, en tant que fils de l’Eglise travaillant dans une nation de religion différente, s’inspirait des paroles de saint Pierre : ils voulaient que leurs frères puissent témoigner de leurs bonnes œuvres et glorifier Dieu le jour de la visite. Cette invitation de l’apôtre avait été l’attitude classique des anciens martyrs sous l’empire romain. Tout aussi significatif a été le mode de vie qu’ils ont mené dans le cadre social et politique de leur temps, embrassant l’Evangile non seulement en parole, mais aussi dans l’Esprit-Saint et avec pleine conviction. Ils sont ainsi devenus, pour tous, un exemple de fidélité au Christ, dont ils attendaient la venue dans l’espérance et l’amour.
Par ailleurs, nous ne devons pas oublier que l’Edit promulgué par le shogun Tokugawa, en 1614, en l’an 17 de l’ère Keicho, déclarait : Le Japon est un pays d’origine divine. Les chrétiens d’alors et d’aujourd’hui peuvent mieux interpréter cette affirmation à l’école de la Parole incarnée par qui toutes choses ont été faites, qui est venue dans le monde, vraie lumière du Père, pour éclairer tout homme de la plénitude de la grâce et de la vérité.
Le lien entre le passé et le présent est le fruit de la bénédiction de Dieu, de la maternelle assistance de la Bienheureuse Vierge Marie, et de l’intercession d’innombrables témoins de l’Evangile. C’est la garantie d’un avenir plus glorieux encore que l’on pourrait comparer au soleil, qui, chaque jour à son lever, éclaire et renouvelle ce beau pays, souvent embelli par le blanc de la neige, par le rose des fleurs du pêcher et du lotus. Son antique religion, le Shinto, signifie route vers la divinité. Pour nous, chrétiens, une route a été tracée par le Christ lui-même, qui est Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu. C’est lui-même, Jésus-Christ, que nous célébrons dans ces nouveaux glorieux martyrs de Nagasaki.

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memoire de sainte Agathe

Sur Genèse 35, 1-29
Aux martyrs : motifs de courage

Tertullien
Exhortation au martyre, « Votre âme est libre, Pères dans la foi 38, p. 25s

Consacrés pour rendre témoignage, vous n’avez donc fait que passer d’une prison dans un asile. Vous pouvez y demeurer dans l’obscurité, mais vous en êtes la lumière ; y être chargés d’entraves, mais vous êtes divinement libres ; y respirer des puanteurs, mais vous y êtes devant Dieu en odeur de suavité ; y attendre la sentence du juge, vous êtes destinés à juger vos juges eux-mêmes.
On peut s’y abandonner au chagrin quand on soupire après les délices du siècle ; le chrétien qui, même sans être en prison, a renoncé au siècle, ne peut guère se soucier d’y être enfermé. Peu importe d’être ici ou là dans le monde dès qu’on a renoncé au monde, et la perte de quelques avantages terrestres est amplement compensée par l’immense bonheur du ciel.
Mais sans parler encore de la récompense promise par Dieu aux martyrs, prolongeons la comparaison entre votre prison et le séjour du monde pour conclure à la supériorité des avantages qu’y trouve votre âme sur les détriments que subit votre corps. Allons plus loin, votre corps n’y perd rien. Il y trouve le nécessaire par la vigilance de l’Eglise et par la charité des fidèles, en même temps que l’âme y trouve tous les secours propres à entretenir la foi.
La prison fait trouver à un chrétien les mêmes avantages que les prophètes trouvaient dans le désert. Jésus Christ cherchait souvent la solitude pour être plus libre à prier et pour éviter les embarras du siècle. C’est aussi dans un lieu solitaire qu’il manifesta sa gloire à ses disciples.
Ne donnons donc plus le nom de prison au lieu où vous êtes : appelons-le plutôt retraite. Votre corps a beau y être enfermé, votre âme y est toujours libre de s’évader en esprit aussi loin que vous voudrez, non à travers de sombres allées et de longs portiques, mais en pensant au chemin assuré qui mène à Dieu. C’est quitter la prison que de suivre ainsi ce chemin de bonheur. L’âme transportée dans le ciel empêche alors la jambe de sentir le poids de ses chaînes. Elle entraîne avec elle l’homme tout entier et le transporte où va son désir. Notre trésor est bien où se trouve notre cœur. Tâchons donc de porter notre cœur là où nous voulons trouver notre bien véritable.

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4° jeudi du temps ordinaire

Sur Genèse 32, 4-31
Tu as été fort contre Dieu
Robert Rouquette
Etudes 274, 1952, p. 222s

La lutte de Jacob avec l’ange, événement troublant s’il en est au livre des Ecritures ! Jacob, sur lui repose la promesse divine, le dessein immuable qu’a le Dieu fidèle de béatifier le peuple issu d’Abraham, et par ce peuple l’humanité tout entière. Le voici seul au moment où il revient en cette terre de Canaan, premier symbole et arrhes sensibles de l’accomplissement du dessein de Dieu. Seul, il a laissé les siens et tous ses biens de l’autre côté du Yabbok ; lui, il reste solitaire sur la rive déserte, en attente. Dans cette solitude et cette disponibilité, il va rencontrer Dieu.
Quelqu’un le prend à bras le corps. Quelqu’un ? Le texte complexe hésite : ce Quelqu’un, c’est un homme, mais c’est Dieu aussi. L’Ineffable, ce Quelqu’un ne veut pas dire son nom qui, dans l’esprit des sémites, révèle l’essence et la livre ; car mon nom est mystère, déclarera Dieu à Manoah, père de Samson. Mystère tel que l’homme ne pourrait pas en supporter la pleine révélation sans être écrasé et mourir : L’homme ne saurait voir ma face et mourir, dira Dieu à Moïse. Après la rencontre, Jacob se tâte les membres : J’ai vu Dieu face à face et je ne suis point mort, gémit-il. Dieu face à face ? Non, mais Dieu qui apparaît sous forme humaine, ce que les textes anciens appellent souvent l’Ange de Dieu, c’est-à-dire Dieu lui-même qui voile sa gloire brûlante, et manifeste ainsi quelque chose de son être. Toute la nuit, Dieu lutte avec l’homme, joue ce jeu de la lutte ; et ce Dieu Créateur, le Tout-Puissant, Dieu des armées célestes, choisit de ne pas écraser de sa force l’homme. Il emploie une ruse avec ce rusé ; au lieu de le mettre brutalement hors de combat, l’Ange de Dieu déboîte la hanche de Jacob. Et pour autant l’homme n’est pas encore à merci ; il continue de résister ! Il faut que Dieu supplie qu’on le laisse aller : lâche-moi, demande-t-il à l’homme son adversaire.
Le Dieu de la lutte de Jacob est un vaincu. Il s’est anéanti en forme d’esclave, ose dire Paul du Christ crucifié. Vaincu et faible, le Tout-Puissant ! Vaincu par amour pour nous. La miséricorde, la pitié en lui vainquent la justice, le précipitent dans ce que Paul en balbutiant appelle, d’un mot presque scandaleux, un anéantissement, la kénose : cette croix où, suprême paradoxe, le Dieu Vivant vient faire pour nous sauver l’expérience de la mort avec l’homme pécheur. Bien sûr, cette défaite de Dieu, qui est notre victoire, ne peut se comprendre que dans la lumière sanglante qui jaillit pour l’éternité du Golgotha. De cette flamme vivante, toute la Bible est éclairée, et c’est à sa clarté aveuglante seulement que prend tout son sens le dessein de Dieu.

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4° mercredi du temps ordinaire

Sur Genèse 31, 1-18
La simplicité de Jacob au milieu des contradictions

Philoxène de Mabboug
Première Homélie sur la Simplicité, Homélie IV, 97-101, SC 44, p. 153s

Si Esaü était un homme des champs et un chasseur, Jacob était un simple qui habitait sous la tente : la simplicité est plus proche de ceux qui ont grandi dans le Tabernacle ou à l’intérieur de la maison. Dans toute sa conduite, Jacob se montra simple et obéissant, aussi bien chez ses parents que dans la maison de Laban.
Il n’aurait pas songé à voler la bénédiction d’Isaac, si sa mère ne lui avait pas suggéré. C’est que Rébecca, sa mère, croyait pour vraies les promesses qui lui avaient été révélées quand elle était allée consulter le Seigneur qui lui avait dit : Le grand servira le petit.
Quand Isaac appela Jacob pour lui dire : Tu ne prendras pas ta femme parmi les filles de Canaan, mais va chez Laban, fils de Bathuel, le frère de ta mère : choisis-toi une femme là-bas. Jacob obéit ; il sortit rapidement détaché des charmes de la maison de son père : il se mit en route le bâton à la main, comme un exilé qui ne possède rien, emportant comme seul bagage des bénédictions et des promesses.
Dans la maison de Laban, Jacob montra encore sa simplicité : Laban lui changea souvent son salaire ; ce n’est qu’à la fin qu’il le lui reprocha : Tu as changé dix fois mon salaire, et le Seigneur ne t’a pas laissé me faire du mal. Et lorsqu’il eut servi Laban pour sa plus jeune fille, celui-ci le trompa encore, faisant entrer furtivement l’aînée auprès de Jacob, se jouant ainsi de lui. Et quand Jacob demanda à Laban la raison de cette supercherie, dans sa simplicité il accepta l’explication, et il obéit. Laban continua à l’abuser par sa méchanceté ; la pureté de Jacob ne fut jamais troublée, sa simplicité ne fut pas ébranlée, Dieu prenait soin de lui, autant que lui-même veillait sur ses affaires.
L’exemple de Jacob est d’un grand enseignement pour qui veut tourner ses pensées vers Dieu, en ne cherchant pas à nuire à ses ennemis. Toi, donc, ô disciple, persévère dans la pureté de ton cœur. Au Seigneur, il appartient de savoir comment il conduira ta vie et de tout mener pour ton profit. Reste dans ta simplicité, ne tourne pas le dos sur le chemin où le Seigneur te conduit, ne cesse pas ton entretien secret avec Dieu.