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fete de la presentation du Seigneur au Temple, 2° lecture

Anne et son ministère de femme au sanctuaire

Philippe Lefebvre
Brèves rencontres, vues minuscules de la Bible, p. 166s

Anne est fille de Phanouel. Ce nom ne nous emmène pas d’abord chez un homme qui serait son père, mais vers un lieu. Anne est d’ailleurs définie par le lieu qu’elle occupe : le Temple qu’elle ne quitte jamais, servant Dieu jour et nuit. Phanouel, c’est en effet la translittération grecque de Penouel, le lieu ainsi baptisé par Jacob, près du gué du Yaboq, où il a vu la face de Dieu, c’est ce que signifie Penouel. Elle est la fille de cette expérience fondatrice : la quête de la Sainte Face, telle que l’ancêtre, le patriarche Jacob, mentionné par l’archange Gabriel, l’a vécu de manière si intense. Il y a dans la faction d’Anne au Temple, le lieu privilégié où Dieu se manifeste, l’expression d’une tradition proprement féminine d’attente vigilante.
Anne est au Temple dans le jeûne ; mais elle est aussi fille de Phanouel, la face de Dieu. Notre texte pourrait suggérer un lien entre l’antique liturgie des femmes qui attendent que Dieu fasse resplendir son visage : C’est ta face, Seigneur, que je cherche, dit un psaume. Dieu est pour Anne cet Autre qu’elle cherche, elle qui depuis fort longtemps n’a plus le vis-à-vis de son époux, elle était veuve, nous dit Luc. En digne fille de Phanouel et en descendante de Jacob, elle est depuis longtemps sortie du regard réflexif pour se tourner vers Dieu. C’est le visage d’un enfant qui lui sera offert. On remarquera les deux verbes qui soulignent bien que sa spiritualité est dégagée de l’ego : sa réaction n’est pas une intériorisation individuelle : dès l’arrivée de l’enfant, Anne entre dans la relation, elle fait acte de confession à l’égard de Dieu et elle parle de l’enfant à tous ceux qui attendent.
Le fait qu’Anne soit au Temple atteste donc que le rôle de vigilance qu’avaient les femmes dans l’ancien Israël, même s’il est peu marqué dans l’Ancien Testament, reste une réalité vivante. Ici encore, c’est un héritage spirituel qui est assumé. Il s’harmonise bien avec cette importance des femmes dans les commencements chez saint Luc. Quand la voix du prêtre Zacharie s’est tue pour un temps, celle de sa femme a retenti avec force. Celle de Marie s’est fait entendre, alors que l’on n’entendra jamais Joseph. Et Anne n’est pas de reste. Après le cantique de Syméon, elle parle pour diriger les regards vers l’enfant.

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4° lundi du temps ordinaire

Sur Genèse 27, 30-45
Les bénédictions d’Isaac
Saint Augustin
Sermons IV à son peuple, première série, p. 633s

Isaac dit à Jacob : C’est toi mon fils Esaü ? Jacob répond : oui, je le suis. Isaac lui dit : Apporte-moi donc à manger de ta chasse afin que je te bénisse avant de mourir, approche-toi et baise-moi. Jacob ne baisa point Esaü, tandis que la bénédiction de Jacob commence par un baiser. Pourquoi confirme-t-il la paix par un baiser ? Parce que Jacob était chargé pour la paix du péché d’autrui. Il s’approcha d’Isaac et le baisa ; et Isaac sentit la bonne odeur qui sortait de ses vêtements. Il était en effet couvert des vêtements de son frère, c’est qu’il avait déjà la prérogative du droit d’aînesse qu’Esaü avait perdue par sa faute. Isaac lui dit alors en le bénissant : L’odeur qui sort de mon fils est semblable à celle d’un champ rempli que le Seigneur a comblé de ses bénédictions. Il a senti l’odeur du vêtement et il parle de l’odeur d’un champ. Comprenez que le Christ est renfermé dans ce mystère et que ce vêtement figure l’Eglise du Christ. Isaac ajoute alors : Que le seigneur a béni et Dieu te donnera la rosée du ciel et la graisse de la terre, le blé et le vin en abondance, et les peuples te seront assujettis. Tu seras le seigneur de tes frères et les fils de ton père s’abaisseront profondément devant toi ; celui qui te maudira sera maudit, celui qui sera béni sera comblé de bénédictions. Telle fut la bénédiction de Jacob.
Comment Esaü fut béni après Jacob ? Voyons donc la différence qui existe entre les enfants spirituels et les enfants charnels de l’Eglise, entre ceux qui vivent spirituellement et ceux qui mettent toutes leurs joies dans les plaisirs de la chair. Isaac dit à Esaü : Je l’ai établi ton maître ! Puis il ajouta : Ta bénédiction sera dans la fécondité de la terre et dans la rosée du ciel. Tel est le partage commun des deux fils. Mais à Jacob seul Isaac avait ajouté : Les peuples te seront assujettis, tes frères et les fils de ton père s’abaisseront profondément devant toi. Et pour Esaü, il dit : Tu vivras de ton épée.
Tous les hommes charnels qui portent envie dans l’Eglise aux hommes spirituels sont supplantés par eux et deviennent plus mauvais. Ecoutez l’Apôtre, confirmant cette vérité dans un texte où il rappelle justement l’odeur d’Isaac : L’odeur qu’exhale mon fils est comme l’odeur d’un champ plein de fleurs que le Seigneur a béni : Nous sommes en tout lieu la bonne odeur de Jésus Christ.

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4° dimanche du temps ordinaire, 3° lecture

Sur Luc 4, 21-30
Le discours programme de Jésus dans la synagogue de Nazareth

Philipe Bossuyt
Jésus Parole de la grâce selon saint Luc, p. 157s

Dans la synagogue de Nazareth, Jésus cite, tout en le modifiant, le prophète Isaïe (61,1-2) ; cette citation appartient à un ensemble plus vaste (60-62) laquelle parle de la restauration de Jérusalem.
Cette citation nous place au cœur de l’attente messianique ; en la reprenant à son compte, Jésus semble proclamer un « Jubilé » extraordinaire ; par l’annonce d’une « année d’accueil du Seigneur », il affirme que sa venue accomplit les espérances du peuple, entendant par là un peuple non plus particulier, mais universel. La signe en est que le salut, dorénavant, commence par des pauvres, des déshérités. Le verbe « proclamer », répété par Luc, accentue la valeur révélatrice de la venue de Jésus. Cette venue coïncide exactement avec l’avènement du Royaume de Dieu, et la proclamation qui en est faite est parole efficace, réalité de l’agir divin parmi les hommes. Le terme de « liberté », également répété par l’évangéliste, désigne une action libératrice pour tous les malheureux : comme dans la Loi du Jubilé, il s’agit de mettre fin aux situations humaines intolérables pour le Royaume de Dieu. En tant que prophète de ce Royaume dont il est en même temps le Roi, Jésus proclame que la grâce du Seigneur est désormais offerte à quiconque souffre. On conçoit dès lors l »écho admiratif de tous les assistants.
En mettant l’accent sur « l’aujourd’hui », Jésus se déclare le prophète messianique annoncé par Isaïe : les derniers temps commencent avec son ministère public, comme le signale le verbe d’accomplissement que Luc n’utilisera plus qu’à la Résurrection. Sa mission est de proclamer et d’inaugurer en sa personne une ère de grâce, de rémission, de libération : le temps de la bienveillance divine. Il introduit dans le temps des hommes l’aujourd’hui de la grâce de Dieu ; il est littéralement l’aujourd’hui de la grâce. Les « paroles de la grâce » que profère Jésus se confondent avec sa présence : il est la grâce qu’il apporte.

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4° dimanche du temps ordinaire, 2° lecture

Sur Genèse 27- 1-29
La bénédiction donnée par Isaac
Saint Augustin
Sermon IV sur Jacob et Esaü, chapitre 11-13, 0C 15, p. 623s

Isaac était devenu fort vieux. Or, de qui était-il la figure lorsqu’il voulut bénir son fils aîné ? Il était devenu vieux : la vieillesse a pour compagne l’ancienneté ; donc dans la vieillesse, je vois l’ancienneté, et dans l’ancienneté, je vois l’Ancien Testament. Ceux qui étaient sous la nuée ne comprenaient point cet Ancien Testament ; c’est pour cela que l’Ecriture nous dit que les yeux d’Isaac étaient obscurcis. L’obscurité des yeux du corps dans Isaac signifie l’obscurité répandue sur les esprits des Juifs. La vieillesse d’Isaac signifie la vétusté de l’Ancien Testament.
Que fit Isaac ? Il voulut bénir son fils aîné Esaü. La mère aimait le plus jeune, et le père aimait le plus âgé comme étant son premier né, car il était également juste pour tous les deux, mais il avait plus d’affection pour son fils aîné. Il veut bénir son fils aîné, parce que c’est au premier peuple que s’adressaient les promesses de l’Ancien Testament. Il ne parle de promesse que pour les Juifs, c’est à eux qu’il semble tout promettre, tout offrir. Ils sont tirés de l’Egypte, délivrés de leurs ennemis, conduits à travers la mer, nourris de la manne : ils reçoivent le Testament, la Loi, les promesses et la terre promise. Il n’est donc pas surprenant qu’Isaac ait voulu bénir son fils aîné.
Rebecca donna ce conseil à son plus jeune fils : J’ai entendu ton père dire à Esaü ton frère : Va et apporte-moi de ta chasse, et prépare-moi de quoi manger afin que je te bénisse avant de mourir. Rebecca dit à Jacob d’aller chercher deux chevreaux dans le troupeau voisin afin qu’elle les préparât comme elle savait que son père les aimait, et qu’après qu’il en aurait mangé il bénit son plus jeune fils en l’absence de l’aîné. Jacob alla donc, apporta les deux chevreaux à sa mère, elle les apprêta et il les servit à son père. Comme il l’avait prévu, Isaac ne le reconnaissant point à sa voix, le chercha et sentit qu’il était velu parce que sa mère lui avait mis autour de ses bras la peau de ces chevreaux. Son père crut donc qu’il était l’aîné et le bénit. C’est l’aîné qu’il avait l’intention de bénir, et la bénédiction descendit sur le plus jeune.

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3° samedi du temps ordinaire

Sur Genèse 25- 7-11 . 19-34
Ne pas être esclave de ses désirs
Philoxène de Mabboug
Onzième homélie, Contre la gourmandise, n° 437-452

Tu es un spirituel, et c’est aux désirs du corps que tu fais la guerre. Pour un spirituel, n’est-il pas ridicule d’être vaincu par son corps ? Pour un invité des cieux, n’est-il pas honteux d’être dompté par les assauts du corps ?
Ce que je vais dire, tout le monde ne l’acceptera sans doute pas, car cela semblera une nouveauté : peu nombreux ceux qui le comprendront, rares ceux qui le pratiqueront. J’énonce cette règle : il vaut mieux pour toi manger de la viande sans désir que de manger des lentilles avec désir. Pourquoi ? Parce que si tu manges de la viande sans l’avoir convoitée, tu n’es pas mû par la passion ; si, au contraire, tu manges avec convoitise un vil plat de lentilles, la passion a précédé. On te reproche alors ce que tu manges, non à cause de la nature de l’aliment, mais à cause du désir que tu en as.
Si tu sais par expérience que tu es déjà établi sur les hauteurs de la liberté chrétienne, si tu as dompté par la force de ton abstinence la servitude qui était en toi, si en mangeant tu ne t’es pas senti manger, si en buvant tu ne t’es pas senti boire, si donc tu manges comme un mort, mange. Mais si tu manges comme un vivant, prends garde, car le goût que tu as ressenti en prenant de la nourriture, atteste que la passion est encore vivante en toi et que tu manges pour manger et non pour vivre. Saint Paul t’a prévenu : prends garde de ne pas être mû par la convoitise, en te croyant parvenu à la liberté, alors qu’en fait tu es encore esclave : Vous avez été appelés à la liberté ; seulement que votre liberté ne soit pas un prétexte pour la chair. Manger de la viande, ou manger des légumes avec passion, c’est pareil ; les deux méritent le blâme, parce que c’est le désir qui les mange.
C’est donc le désir avec lequel on mange qui est blâmé, même s’il s’agit d’un aliment très simple. Pour le comprendre, mets devant tes yeux les lentilles d’Esaü et la viande apportée à Elie par les corbeaux. Esaü fut condamné pour avoir mangé des lentilles, et Paul l’appelle relâché et profanateur, parce qu’il a vendu son droit d’aînesse pour un seul aliment. Elie au contraire est spirituel, bien qu’il mange de la viande. Par ces exemples d’Elie et d’Esaü, comprends donc que c’est le désir qui est condamné. Sois au-dessus du désir en tout : alors tu pourras manger de tout. Mais si tu n’es pas au-dessus du désir, tout ce que tu mangeras sera pour toi condamnation.

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3° vendredi du temps ordinaire

Sur Genèse 24, 33-41 . 49-67
Les noces sont toujours célébrées près des puits

Origène
Homélie X sur la Genèse, SC 7 bis, n° 2 et 5, p. 259s

Rébecca venait de puiser de l’eau. Chaque jour, Rébecca venait aux puits. Et parce que chaque jour elle passait du temps aux puits, le serviteur d’Abraham put la trouver et la donner en mariage à Isaac.
Penses-tu qu’il s’agit là d’une fable, ou d’une belle histoire racontée par l’Esprit-Saint ? Non, il s’agit en vérité d’un enseignement spirituel, d’une instruction qui s’adresse à ton âme pour lui apprendre à venir chaque jour aux puits des Ecritures, aux eaux de l’Esprit-Saint, à y puiser sans cesse pour en remporter chez toi un plein récipient.
Tout est mystère dans l’Ecriture. Le Christ veut te fiancer à lui. C’est à toi qu’il s’adresse par le prophète : Je te fiancerai à moi pour toujours, je te fiancerai à moi dans la fidélité et la miséricorde, et tu connaîtras le Seigneur. Sache cependant que sans travail, sans connaissance, personne n’accueille la parole prophétique ; en revanche l’accueille celui qui sait tirer de l’eau des profondeurs du puits, qui sait en tirer une telle quantité pour qu’elle l’abreuve lui et tous ceux qui sont auprès du puits.
Peut-être penses-tu que les puits dans l’Ecriture ne sont mentionnés qu’à propos de Rébecca ? Mais Jacob, lui aussi, vient à un puits pour y trouver Rachel ! Et plus tard, Moïse, lui aussi, trouvera Séphora, fille de Raguel, auprès d’un puits !
N’es-tu pas alors amené à reconnaître que tous ces récits ont un sens spirituel ? Pour moi, avec l’apôtre Paul, je dis que tous ces événements ont un sens symbolique : les noces des saints sont l’union de l’âme avec le Verbe de Dieu. Une telle union ne peut s’accomplir que si l’âme se met à l’école des Livres Saints qui sont désignés symboliquement par le nom de puits. Si quelqu’un vient à ces puits et en tire les eaux, c’est-à-dire s’il médite l’Ecriture pour en percevoir le sens profond, il rencontrera le mystère des noces divines : son âme sera unie à Dieu.
Prenons maintenant l’Evangile. Quand le Seigneur est fatigué, où cherche-t-il à se reposer ? Près d’un puits, et il était assis sur la margelle. Ainsi partout les mystères se répondent : les figures de la Nouvelle Alliance s’accordent avec celles de l’Ancienne ; d’un côté on vient auprès des puits pour y trouver une épouse, de l’autre l’Eglise est unie au Christ dans le baptême d’eau. Relis l’Ecriture, cherche, examine ; si tu persistes dans ta recherche, le Verbe de Dieu pourra te trouver toi aussi près de l’eau : alors il te prendra et t’unira à lui pour que tu deviennes avec lui un seul Esprit.

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memoire de saint Thomas d’Aquin

sur Genèse 24, 1-27
Contemplation des choses divines
Saint Thomas d’Aquin
Pages choisies, p. 206s

Ce qui intéresse à titre principal la vie contemplative, c’est la contemplation de la vérité, car cette contemplation est la fin de toute vie humaine. Saint Augustin dit que la contemplation de Dieu nous est promise comme la fin de tous les actes et la perfection de toutes les joies, contemplation qui sera parfaite dans la vie future, lorsque nous verrons Dieu face à face et posséderons ainsi la béatitude parfaite. Ici-bas, nous ne pouvons accéder qu’à une imparfaite contemplation de Dieu, dans une miroir et dans le mystère : par cette contemplation imparfaite nous obtenons les prémices d’une béatitude qui commence ici-bas pour constituer la vie future.
Mais puisque c’est par les effets de Dieu que nous sommes conduits, comme par la main, à la contemplation de Dieu, selon le mot de saint Paul : La réalité invisible de Dieu est devenue visible, depuis la création du monde, par la connaissance que ses créatures nous en donnent. Il s’ensuit que la contemplation des effets de Dieu intéresse secondairement la vie contemplative, en ce sens qu’elle conduit l’homme à la connaissance de Dieu. Aussi saint Augustin dit-il que dans l’étude des créatures, il ne faut pas exercer une curiosité vaine et dangereuse, mais qu’il faut faire de cette étude une voie ascendante vers les réalités immortelles et inébranlables.
La contemplation peut être source de joie à double titre. Elle est source de joie en raison de l’acte même de contempler, car toute opération est agréable dès lors qu’elle s’accorde à la nature du sujet qui l’exerce et à ses formations acquises ; la contemplation de la vérité correspond aux tendances naturelles de l’homme, animal raisonnable : tous les hommes ont naturellement le désir de savoir, et par conséquent trouvent une joie dans la contemplation de la vérité.
L’objet contemplé constitue une autre source de joie, s’il est aimé du contemplant : ainsi la vision sensorielle, agréable par elle-même, cause un plaisir particulier quand elle a pour objet une personne aimée. Puisque la vie contemplative consiste principalement dans la contemplation de Dieu, à laquelle nous sommes inclinés par la charité, les joies de la vie contemplative ne procèdent pas seulement de la contemplation elle-même, mais encore de l’amour divin. A ce double titre, la vie contemplative contient des joies supérieures à toutes les joies humaines, car la joie spirituelle l’emporte sur le désir physique, et l’amour de Dieu qu’exerce la charité surpasse tout amour. Goûtez en voyez combien le Seigneur est doux.

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memoire des saints abbes de Citeaux

sur Genèse 21, 1-21
L’expérience du Christ d’être homme
Dom Jean Leclercq
Regards monastiques sur le Christ au Moyen Age, p. 206s

Pourquoi un Dieu homme ? avait demandé saint Anselme. Saint Bernard reprend la question et y répond au moyen d’un vocabulaire qui traduit l’idée d’une connaissance expérimentale. Le Verbe de Dieu a voulu, dans le Christ, expérimenter la condition humaine. Dans son premier traité, Sur les degrés d’humilité, Bernard en avait parlé longuement : « On ne lit pas : le Verbe s’est fait ange, mais le Verbe s’est fait chair et chair dans la descendance d’Abraham ». Plusieurs fois dans son œuvre, il insistera sur le fait que le Christ a eu une expérience d’homme que l’ange n’avait pas eue. Il insiste sur la divinité de Jésus. Bernard admet en lui, quant au jour de son retour en gloire, une certaine part d’ignorance possible, et sa science divine est un mystère sur lequel il n’a cessé de réfléchir, quitte à se rétracter sur ce point alors que ce traité est déjà en circulation. Mais, de façon inconditionnée, il proclame que le Christ a fait un véritable apprentissage de la condition humaine. Bernard s’appuie sur des versets de la Lettre aux Hébreux disant que le Seigneur a passé par les mêmes épreuves que nous, sauf le péché, afin d’apprendre par l’obéissance de ce qu’il a souffert ce que c’est qu’obéir, devenir miséricordieux et savoir compatir. Avant l’Incarnation, le Fils éternel n’avait pas la connaissance expérimentale de la sujétion et de la miséricorde. En sa Passion, le Verbe incarné l’a acquise. Ainsi ce que le Fils savait par sa science divine, il ne le savait pas pour en avoir fait l’expérience au moyen des sens que possédait sa chair. Il fallait qu’en celle-ci, il devînt misérable pour accéder à l’expérience qu’il n’avait pas. Ce recours, presque monotone, au vocabulaire de l’expérience, fait entrevoir la nouveauté que fut en Dieu l’expérience du Fils incarné. Cela rappelle cette formule ancienne : Un de la Trinité a souffert. Ce dernier terme, passus est, est alors associé à celui qui désigne la compassion. Telle a été l’expérience du Sauveur : par ce qu’il a fait, il nous a montré ce que nous devons faire. Le Fils, dira ailleurs saint Bernard, a daigné être notre frère ; le Père a daigné être le Père de ceux dont son Fils était devenu le frère. Par le Christ, nous avons acquis la triple connaissance du Père, du Fils et de l’Esprit. En apprenant l’obéissance par la souffrance, le Fils est devenu notre grand prêtre. En lui, l’un d’entre les humains nous unit au Père et nous donne le salut. A nous maintenant d’avoir part à la miséricorde qu’il a apprise en partageant notre misère.

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memoire des saints Tite et Timothee

Mémoire des saints Tite et Timothee

Sur Genèse 21, 1-21
Les lettres de Paul à Timothée et Tite
Pierre Dornier
La Bible de Jérusalem, Introduction aux lettres de Paul, p. 1488s

Les épitres à Timothée et Tite sont étroitement apparentées entre elles par leur fond, leur forme, et la situation historique qu’elles supposent. Deux d’entre semblent écrites de Macédoine, l’une (la première) à Timothée qui se trouve à Ephèse où Paul espère le rejoindre, l’autre à Tite qu’il a laissé en Crète ; l’Apôtre compte passer l’hiver à Nicopolis, en Epire, où Tite devra le rejoindre. Quand il écrit la seconde à Timothée, Paul est prisonnier à Rome, après être passé à Troas et à Millet. Sa situation est grave, Paul se sent près de sa fin, se trouve seul, et presse Timothée de venir au plus vite.
La première lettre à Timothée, et la lettre à Tite peuvent avoir été écrite vers l’an 65 au cours d’un voyage à travers la Crète, l’Asie Mineure, la Macédoine et la Grèce. La situation que reflète la seconde à Timothée est celle d’une nouvelle captivité, dont l’issue cette fois devait être fatale : cette lettre, qui est comme le testament de Paul, a dû précéder de peu son martyre en 67.
Adressées à deux de ses plus fidèles collaborateurs, ces lettres donnent des directives pour l’organisation et la conduite des communautés chrétiennes que Paul leur a confiées. Elles reflètent un stade d’évolution des communautés parfaitement vraisemblable vers la fin de la vie de Paul. Le titre d’épiscope apparaît encore pratiquement synonyme de celui de presbytre, selon la formule primitive des communautés dirigées par les collèges d’Anciens : nulle trace encore de l’évêque monarchique tel qu’il apparaîtra chez saint Ignace d’Antioche. Pourtant cette évolution se prépare : bien que chargés de plusieurs communautés sans être attachés à aucun en particulier, les délégués de Paul que sont Timothée et Tite représentent cette autorité apostolique qui est en voie de se transmettre pour suppléer à la disparition prochaine des apôtres, et qui bientôt se fixera en chaque communauté dans un chef du collège presbytéral, qui sera l’évêque. Les épiscopes-presbytres ne sont pas que des administrateurs du temporel, mais encore et surtout ont la charge de l’enseignement et du gouvernement : ils sont bien les ancêtres de nos « évêques » et de nos « prêtres ».

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fete de la conversion de saint Paul, 3° lecture

Sur Marc 16, 15-18
Voilà les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru
Saint Grégoire le Grand
Homélies sur l’Evangile, Homélie 29,4, SC 522, p. 205s

Considérons attentivement ces prodiges, ces miracles. En vérité la Sainte Eglise opère quotidiennement dans les âmes ce qu’elle opérait alors par les apôtres dans les corps. Car, lorsque ses prêtres, par la grâce des exorcismes, imposent les mains aux fidèles et luttent avec les esprits malins qui habitent dans leurs âmes, ne chassent-ils pas les démons ? Et tous les fidèles qui, après avoir renoncé à leur passé, chantent les saints mystères et proclament de toutes leurs forces les louanges et la puissance de leur Créateur, que font-ils sinon parler de nouvelles langues ? Lorsque par leurs exhortations salutaires, ils enlèvent du cœur d’autrui la malice, ils détruisent les serpents. Lorsqu’ils entendent des conseils empoisonnés sans se laisser le moins du monde entraîner au mal, ils boivent un breuvage mortel, mais il ne leur fera aucun mal. Toutes les fois, enfin que, voyant leur prochain faiblir dans la vertu, ils lui viennent en aide de toutes leurs forces, et que, par l’exemple de leurs œuvres, ils raffermissent ceux qui chancellent dans leur conduite, font-ils autre chose que rendre la santé aux malades en leur imposant les mains ?
Or ces miracles sont d’autant plus grands qu’ils sont d’ordre spirituel, d’autant plus grands que ce ne sont plus des corps, mais des âmes qu’ils ressuscitent ; et ces prodiges, Dieu aidant, vous les opérez si vous le voulez. Les miracles extérieurs ne peuvent obtenir la vie à ceux qui les opèrent. Car ces miracles corporels révèlent parfois la sainteté, ils ne la créent pas ; au lieu que les miracles spirituels, qui agissent seulement dans l’âme, ne révèlent pas la vertu de la vie, mais la produisent. Ceux-là, les méchants eux-mêmes les peuvent opérer ; accomplir ceux-ci, seuls les bons en ont le pouvoir.
Aussi, frères, ne recherchez pas les prodiges qui peuvent être communs avec les réprouvés, mais désirez ces miracles de charité et de piété que nous disions à l’instant : ils sont d’autant plus sûrs qu’ils sont cachés, et ils trouveront auprès de Dieu une récompense d’autant plus grande qu’ils procurent moins de gloire auprès des hommes.